épisode 12 - Clara Malraux

Rédigé le 13/10/2023
la mairie


Rappel / pour retrouver l'épisode 11 - Musée de la résistance du Lot facilement, c'est ICI / épisode 11

(une bulle verte en haut à droite de la page vous permettra d'apporter vos commentaires et remarques dans le respect de chacun).


Clara MALRAUX

Clara MALRAUX née GOLDSMIDT, est juive. Elle est issue d’une famille bourgeoise allemande, aisée et cultivée résidant dans le quartier d’Auteuil à Paris. Clara vivait dans une certaine opulence.
Elle rencontre André MALRAUX dans les cercles littéraires parisiens et l’épouse en 1921. Suite à des jeux boursiers hasardeux d’André, le couple est ruiné. À Clara qui l’interroge sur leur situation, MALRAUX répond : ”Vous ne croyez tout de même pas que je vais travailler ?”.
MALRAUX trouve une solution : le brillant intellectuel troque la plume pour le burin. Il se transforme en aventurier, fait ses valises pour le Cambodge, et là-bas, ”pour se refaire”, pendant que Clara monte la garde, il arrache 7 bas-reliefs d’un temple de la jungle khmère pour les vendre.
Il sera condamné en 1924 dans cette affaire…
Vient l’épisode controversé de sa participation à la Guerre d’Espagne, puis l’invasion de la France par l’Allemagne en mai 1940.
L’exode met des millions de Français sur les routes, fuyant le nord de la France et Paris pour le sud. La France est coupée en deux : la zone occupée et la ”zone libre”.

 


Clara MALRAUX, Extraits de ”la Fin et le Commencement”
éditions Grasset 1976 :

Clara MALRAUX :
[…] … Un peu plus tard, après quelques grondements de canon plus ou moins justifiés au-dessus de Paris, la période scolaire approchant, je décidai de trouver dans le Lot pour Flo, physiquement et intellectuellement de provisoires parents nourriciers. Sur quoi l'école de Sabadel

À 30 km de Cahors devint son foyer pour quelques mois et l'institutrice et l’instituteur du lieu Tati et Tonton. Du séjour dans ce bourg Elle a gardé d'excellents souvenirs, celui entre autres d’avoir découvert la joie de tyranniser les enfants du village qui pour s'assurer les bonnes grâces de celle qu'il croyaient être la nièce des enseignants la traitaient en jeune princesse.
Beauté austère du Lot, vallées qui pourraient être d’Asie centrale : je découvrais la France après avoir découvert dans d'autres pays. Je découvrais aussi la la subtilité un peu narquoise de ses habitants, leur réserve, puis le seuil passé, leur amitié. J’allais chaque quinzaine voir ma fille ; ainsi avais-je découvert au cours d'une promenade avec Georges DUVEAU – en permission à Lauzès, son village familial, une maisonnette aux dimensions de chaumière accroupie sur une crête dominant le Causse, d’où, d’ondulation en ondulation, on pouvait apercevoir la Bastide Murat. La bicoque ignorait l’eau, l'électricité et bien entendu le gaz, mais quand quand les allemands accomplirent leur périple à travers la France, nous eûmes là un lieu de repli : les semaines qui suivirent la débâcle, ce fut même moi qui accueillis des réfugiés.

[…] À Cahors je reste trois ou quatre jours aidant mademoiselle BRUGALIÈRE à inscrire des noms sur des registres, activité de peu de sens mais qui me permet l'illusion de m’insérer dans les évènements. Puis je grimpe sur ma montagne, qui, elle, continue de se ressembler avec ses villages espacés, ses murailles surplombant le Lot, son silence et sa rigueur. Et je retrouve ma fille un peu ”empaysannée” pourvue d'un accent qui marque les syllabes. Elle a même les joues rouges – ce sera d'ailleurs la seule fois de son existence ! Assez vite je comprends qu’il faudra s’installer seule dans le désastre, avec une enfant doublement menacée : par l’incertitude de son développement physique, par sa condition de demi-juive.
14 juin 1940
Il fait beau sur le Causse empoussiéré de sécheresse.
De Lauzès, où j’habite pour quelques jours encore chez les DUVEAU, je me rends à Sabadel chez les instituteurs. Le long de la route, je pleure. Une femme me regarde avancer pour me dire, quand j'arrive à sa hauteur : ”Faut croire que vous n'aviez personne qui risquait d’y laisser sa peau pour pleurer, parce que c'est fini”.
Nous nous installons dans l'odeur des champignons et des mûres. Je suis devenue un Robinson qui, au lieu de dominer un homme, ce laisse dominer par deux petites filles – en même temps que Flo, Axelle, la fille d'une de mes amies avait été confiée au CAPOULADE – si bien qu’au moment du pire tout se transforme en jeux. Nous jouons à allumer le feu a dévaler cinquante mètres de pente raide – qu’il faudra ensuite remonter, brocs ou seaux remplis à bout de bras – pour atteindre une source recouverte de cresson. Bien entendu nous nous nourrissons de cresson. Nous vivons en autarcie n’acceptant du dehors que les œufs et les pommes de terre que nous vend la fermière, notre seule voisine.
Je ne veux pas penser à l'hiver je veux pas penser à l’avenir. Je vis dans l'instant m’épuisant au point que le soir venu, il ne me faut que peu de minutes pour ne plus connaitre le souci. Parfois il m'arrive de penser que j'ai été plus malheureuse dans l'attente des catastrophes qu’une fois celles-ci installées.
Peut-être peut-être le cerf forcé connait-il de semblables instants de grâce ? Je m’ampute de ma vie passée ; je m'installe dans l’accablement quotidien de tâches à quoi rien ne m'a préparée.
En bas, dans la ville, les gens se battent pour trouver un toit. Moi j'ai eu de la chance, je me le répète en regardant les lits à paillasse et à couettes, les deux chaises, la table, la cheminée à hotte dans laquelle je prépare nos repas. Dans laquelle nous pourrions aussi bien les manger puisque deux bancs s’y encastrent.
Nous tiendrons là-haut quatre mois.
Installés devant le comptoir de l'épicerie de Lauzès, qui fait aussi débit de boissons, des paysans parlent des .Juifs. Ils n'en ont jamais vu, ils y ignorent que je suis juive. En un mois ils ont appris que ce sont ces gens là qui portent la responsabilité de toutes les fautes françaises.
”Ben oui, dit un type, les juifs c'est une tribu comme les saltimbanques”.
Moi qui me suis tant occupée des réfugiés juifs venus d’Allemagne, je sais ce qui nous attend derrière cette ligne de démarcation qui vient d'être tracée.
Si André…
Même le couple que nous avons formé serait séparé aujourd’hui. André doit être prisonnier, avec une grande partie de l'armée française.
Il va falloir apprendre a subir.
En attendant j'ai quelques initiatives : je remets une somme modeste il va de soi, à la fermière voisine pour qu'elle achète un bébé-cochon. Devenu grand, grâce aux déchets de la ferme, il sera partagé entre sa mère nourricière et moi.
Mais avant d'expirer la pauvre bête fut atteinte d'une curieuse maladie qui ne lui laissât que trois pattes : je n'eus donc pas droit à un jambon arrière. Malgré l'amputation de Coralie, les saucisses – elles pendirent joyeusement durant quelques mois au-dessus de nos têtes – le saindoux, les rotis nés d’elle, nous aidèrent à surmonter les premiers temps de pénurie.
J’eus aussi une autre initiative : j’achetai douze litres d’huile de foie de morue, ce qui permit à Flo, durant plus de trois ans, d’avoir sa ration de vitamines, ce qui fit aussi que, durant tout ce temps, émana de ma petite-fille une curieuse odeur de poisson.

Tout de même il y en a qui parviennent à se débrouiller. Un après-midi, vêtu d'un complet civil plus adapté à un autre corps qu’au sien, Georges DUVEAU est apparu à Lauzès.
Sa retraite avait abouti à Bordeaux, un Bordeaux tout grouillant mais un peu brumeux. Quelqu'un y a dit devant lui : ”Quel dommage qu'il n'y ait pas de soleil un jour d’armistice”. Alors il a pensé que le moment était venu de quitter ce sud-ouest étranger pour rejoindre le sien.
Vissés sur les poussiéreuses chaises d'apparat entassées dans le salon des DUVEAU, nous écoutons le discours du Maréchal PÉTAIN. Madame DUVEAU sanglote ; moi aussi sans doute, mais pleurer m’est devenu si coutumier que je n’y attache plus d'importance. La voix vieillotte disparaît, une Marseillaise lui succède. Quand elle s'arrête, c'est la voix de FLOqui s'élève : ”Après ce qu'il vient de dire, il a le culot de faire jouer la Marseillaise !”.

Puis c'est le 18 juin et, toujours dans le salon, nos têtes rapprochées, nos mains crispées sur nos genoux : ”Cela s’appelle l’aurore”, dit le mendiant dans l’Électre de GIRAUDOUX.
La guerre a eu lieu. L’aube – mais quand ? - finira bien par se lever.
Peut-être Flo et moi verrons-nous encore nos vies se teinter de clarté.

[…] Roland MALRAUX demi-frère d’André, de passage à Lauzès, interroge Clara sur son devenir :
— Qu’est-ce que tu vas faire ?…”Tu ne vas pas rester ici ?”


[…] Dans la cheminée les flammes se découpaient, vivantes comme des branches de sapin. Devant l'arbre de Noël de son enfance elle – c'est moi – frissonna et se mit à parler :
—”Tu sais il y a des gens, pas loin d'ici, qui avaient un beau jardin avec des massifs de tulipes, de bégonias en bordure, des rosiers en guirlandes, le tout plein de style et de fantaisie. L'armistice signé, ils ont arraché les fleurs pour planter des poireaux et des choux. Moi aussi je vais arracher mes petites tulipes et mes bégonias intérieurs ; comme ça, je tiendrai peut-être.
— Parlons sérieusement. Je suis venu ici pour cela.
— On peut parler sérieusement quand il reste un vague espoir de modifier une situation. Moi je n'ai plus qu'à accepter.
— Et si tu remontais à Paris ?”
— […] ”Ici vois-tu je suis au coeur du cyclone, où tout est merveilleusement calme. Pour le moment, je prends goût à de petites satisfactions. Tiens, je suis enchantée d'avoir réussi à vous donner à manger ce soir, moi qui ne savait pas faire la cuisine avant le mois dernier. On dirait qu’une partie de moi se refuse à être malheureuse. Simplement, je suis désespérée.”
La fontaine en bas de notre colline devenait plus abondante ; dans la cheminée les châtaignes cuisaient en crissant ; j'avais acheté de la laine de pays destinée à se transformer en bonnet où en gants. L'odeur de mousse et de champignons ne pénétraient plus dans la maison aux fenêtres fermées, les oiseaux migrateurs traçaient dans le ciel encore bleu des formes géométriques. Il nous fallait quitter notre arbre…

Quelques temps plus tard, Clara quitte Lauzès pour Toulouse en compagnie de sa fille Flo. C’est là, autour d’un guéridon de café qu’André MALRAUX apprend à Clara qu’il a un fils d’une autre femme. Il lui demande de divorcer, ce qu’elle refuse : elle retrouverait son nom de jeune fille, un patronyme difficile à porter dans ces temps de chasse aux juifs…

 

André MALRAUX

Olivier TODD dans le livre qu’il a consacré à André MALRAUX (André Malraux - une vie” NRF éditions Gallimard, 2002 ):


”André MALRAUX était sans doute un grand écrivain, mais pas un grand homme d’État… […] un grand homme doit pouvoir justifier d'un minimum de mensonges, de mythomanie et de mégalomanie”.


Pour dire que les écrits de MALRAUX tenaient plus de la fiction romanesque que de la réalité, Olivier TODD, se base sur un entretien avec MALRAUX et sur de nombreux témoignages de gens qui l’ont cotoyé, y compris celui de son ex-épouse Clara.
L’analyse qu’Olivier TODD fait sur la Résistance de MALRAUX coïncide avec les attestations d’acteurs locaux que j’ai trouvées dans des livres sur la Résistance dans le Lot, la Dordogne et la Corrèze. Des livres qu’il n’a probablement pas consultés, ceux-ci étant épuisés depuis des années.

1) ”Sa” guerre d’Espagne

Extraits ”d’André MALRAUX et la guerre d’Espagne” de Jacques HAUSSY :
Jacques HAUSSY rappelle qu’André MALRAUX a eu de nombreux soutiens à sa version de la guerre d’Espagne ; mais en même temps, il explique qu’à l’époque, il était presque impossible de contredire un écrivain, auréolé en 1933 du prix Goncourt, pour ”la Condition humaine”.
Il démontre des complicités d’intérêts chez plusieurs des défenseurs les plus acharnés de MALRAUX.
Après ces réflexions d’ordre général, Jacques HAUSSY passe aux témoignages remettant en cause, la version de la guerre d’Espagne de MALRAUX :
”Un pilote de l'escadrille a aussi apporté son témoignage : Jean Gisclon, né en 1913, héros de l'aviation française. Son livre ”La Désillusion : Espagne 1936 (Éditions France-Empire1986)”, où il apparaît sous le nom de Michel Bernay, est accablant pour Malraux :
[...] ”À aucun moment il ne fait allusion à l'échec total de la mission dont il avait été chargé : la création d'une escadrille qu'il avait voulu internationale et parfaitement opérationnelle.
Un échec dû en grande partie à son inexpérience dans le domaine de l'aéronautique et celui du commandement ; et à son refus de la plus élémentaire concertation avec les premiers pilotes professionnels qui composèrent cette escadrille « Espana ».
Peut-être par crainte qu'ils ne le frustrent un peu de sa gloire”.

Plus loin est décrit son rôle réel :
[...] ”L'Esquadra España [...] dont André Malraux, qui se trouvait à Albacete, était en quelque sorte le gestionnaire et l'agent de liaison. Journaliste, n'ayant aucune connaissance de l'aviation, Malraux faisait plutôt figure d'un Lord Byron de cette épopée révolutionnaire que d'un Villebois-Mareuil donnant sa vie, quarante ans plus tôt, pour la cause des Bœrs.
Volubile, grandiloquent, il était plus un tribun qu'un organisateur, le lien, au cours des premières semaines de cette guerre, qui reliait le cabinet de Pierre Cot à celui de Prieto, ministre de l'air et de la Marine, à Madrid”.
Tout au long du livre est confortée l'image d'un Malraux incompétent, sans autorité et déconsidéré : ”Nous étions tout de même parvenus à nous faire prendre au sérieux par les Espagnols. — Nous, oui, s'écria Thomas avec force, mais, hélas, pas Malraux”.
[…] ”Les témoignages sur les prétendus exploits de l'escadrille España et son chef admirable [Malraux] sont ainsi, soit recueillis de la bouche de Malraux, soit donnés de seconde main, comme ceux de journalistes américains (L. Fisher, H. Matthews), d'un chef britannique de bataillon des Brigades internationales (T. Wintringham), d'un ami soviétique de Malraux,Ilya Ehrenbourg...


Signalons enfin que Malraux n'avait aucune compétence militaire, ayant été réformé de façon définitive, pour troubles nerveux, en 1923. Il ne savait ni piloter un avion, ni conduire une voiture, ni même faire du vélo ”.

[…] Un journal fit cependant appel au témoignage de Gisclon, France-Soir, dans un numéro spécial du 26 avril 2001, avec deux pages entières ainsi appelées en une :
”Mythe. Tout ce qui n'a pas été dit sur Malraux le ”héros”.
”L'écrivain vénéré de la guerre d'Espagne et de la Résistance avait bien caché son jeu. Révélations sur une icône au moment où sort sa biographie par Olivier Todd.
L'entretien avec Gisclon a été conduit par Jean-François Kervéan :
” [Malraux] n'était pas antipathique. Mais nous, militaires professionnels, avons vite compris qu'il s'agissait d'un rigolo. Un beau parleur qui ne parlait pas espagnol. Il était là pour jouer une carte politique et personnelle. [...] Que Malraux et son escadrille aient pu, à trois ou quatre appareils, stopper la colonne franquiste ou, comme on l'a prétendu, sauver Madrid, c'est une vaste fumisterie. Malraux jouait dans son coin, avec une belle conviction, peu d'efficacité et aucune compétence. [...] [à cause] de tous ces gens, opportunistes, militants, aventuriers, qui étaient venus jouer une carte personnelle, sans avoir le vrai sens du combat, de la discipline. Et la guerre d'Espagne fut un échec et j'en suis triste, à cause de tous ces gens comme Malraux ”.

2) ”Sa” Résistance

Le livre promis par André MALRAUX sur ”sa” Résistance, n’est jamais paru, au motif sans doute, que ceux qui l’avaient vécue étaient toujours vivants.
À défaut de sa version, j’ai réuni des témoignages glanés au hasard de mes lectures.

Extraits de ”le Temps des partisans” de Robert NOIREAU alias Colonel GEORGES (Flammarion, 1978), successeur de Jean-Jacques CHAPOU à la tête des maquis du Lot :
”Ce n’est est un secret pour personne aujourd'hui que MALRAUX ne s'est engagé dans la Résistance qu'aux environs du printemps 1944. Il semble que ce soit l'arrestation de son frère Roland, en mars qui l’ait précipité dans le jeu de la clandestinité.
Sa femme Clara affirme qu'il aurait répondu :
”J’en ai marre de défendre les causes perdues”.
Simone de BEAUVOIR ajoute qu'il comptait sur les tanks russes et les avions américains.
Dans ”l'aventure incertaine”, Claude BOURDET rapporte ce dialogue avec MALRAUX alors qu'il vient lui demander de s’engager :
” — Avez-vous de l’argent, des armes ?
— Non.
— Alors revenez me voir quand vous en aurez”.
À d’autres amis qui le pressaient, de Jean CASSOU à d’ASTIER, il avait encore répondu :
”— Je vous en prie ne jouant pas aux boy-scouts”.
Je n'ai rien là à redire. Chacun a jugé de l'histoire de ces années, et de son engagement personnel, selon son tempérament et sa conscience.
Mais entre mars 1944 août 1944 se situe dans le Lot et la Corrèze la période pendant laquelle les maquis ont eu à affronter les troupes d'occupation ou les unités allemandes qui remontait vers la Normandie. C'est la période des accrochages permanents, celle à laquelle on pense quand on évoque l'action des maquis. Et c'est justement pendant ces quelques mois que s’est forgée la légende dorée d'un MALRAUX tantôt chef de maquis, tantôt fédérateur des diverses tendance, tantôt agent de liaison des missions alliées, et même, dans un autre MALRAUX, ”chef spirituel des maquis ! ”.
J'avais d'abord pensé que Malraux aurait pu appartenir à un organisme du War Office et particulièrement au SOE. Or, le colonel BUCKMASTER chef de cet organisme pour la France ”a démenti après la guerre que l’aîné des MALRAUX ai jamais été inscrit sur les listes du SEO”.
Les chefs des de maquis de Corrèze n’ont guère de souvenir plus précis.
Dans l'ouvrage ”les maquis de Corrèze” on peut lire ce témoignage de Roger LESCURE :
”Au cours d'une tournée en Dordogne et dans le Lot en ce mois de juillet 1944, j'apprends l'existence d'un personnage se faisant appeler ”colonel BERGER ” et se disant ”chef régional FFI” pour les trois départements : Lot, Dordogne, Corrèze. Intrigué j'en parle au Colonel RIVIER lors d'un de ses passages en Haute Corrèze. Lui non plus n’a pas connaissance des attributions de ce ”colonel” et me confirme qu'il est jusqu'à preuve du contraire le seul chef FFI de la région cinq (R5)”.
Vers la mi-juillet a lieu dans un champ (à l'ombre d'un pommier) du côté de Neuvic-d’Ussel, une réunion des chefs des formations FFI et de la R5, en présence du délégué militaire national ”POLYGONE ”. J'en profite pour poser à ce dernier la question :
” — Qui est ce colonel BERGER, d'où vient-il quelles sont ses fonctions ?”
Réponse de POLYGONE :
”— Le colonel BERGER n'a aucune fonction, aucun commandement dans les FFI” ;
et il ajoute :
”— Vous FFI (armée secrète et F.T.P.F) n'avez d’ordre à recevoir que de vos chefs respectifs, c'est-à-dire du Colonel RIVIER pour la R5”.


Dans le même ouvrage André ODRU commissaire aux effectifs F.T.P. Corrèze déclare :
”— On nous annonce un jour qu’ André MALRAUX dit colonel BERGER propose que les unités F.T.P. Corrèze se mettent sous ses ordres. Nous ne répondons même pas à cette offre grotesque”.
Par contre l’agitation de ce nouveau venu, général sans armée, qui cherche à prendre en dehors de nous, contact avec nos unités, la confusion qu'il entretient au sud du département, tout cela risque affaiblir notre dispositif de sécurité anti-allemand. Le comité militaire en présence de Roger LESCURE prend la décision d’éloigner MALRAUX de Corrèze (…)”.
De son côté MacPHERSON chef de mission britannique à l’époque, m’écrit :
”J’ai pu rencontrer deux fois à sa demande BERGER (MALRAUX) et autres du soi-disant G.Q.G. . Mais à mon avis ils avaient très peu d'influence sur les opérations, la vie et l'organisation du maquis, dont le Lot était le mieux organisé et le plus efficace de tous les départements que j'ai traversés”.

Le QG des maquis du Lot était situé à Escazals, entre Durbans et Espédaillac, près de Gabaudet où le colonel GEORGES et André MALRAUX se rencontrèrent, fin mai 1944. À la ferme de Gabaudet se rassemblaient les jeunes de la région Lot-Cantal-Aveyron, qui fuyant le STO, souhaitaient participer aux maquis.
”Une grande table de bois occupe presque toute la longueur de la salle commune. À quelques kilomètres de Gramat une ferme, la ferme de Gabaudet, dans un coin perdu du Causse auquel il faut accéder par un chemin vicinal. Un coin perdu.
Un coin tranquille où sous la surveillance d'un groupe de protection est installé mon PC.
Aujourd'hui la grande table n’attend pas de convives. Ni même de réunion de l'état-major. C'est autre chose. La grande table accueille les membres du tribunal du maquis. Le commandant GEORGES préside entouré de deux assesseurs GASTON et ALAIN. Il y a un accusateur public, DOMINIQUE muni du code de justice militaire, et un défenseur FRANCIS, lieutenant de réserve de justice militaire qui connaît son affaire et le code.
Deux hommes du pays mauvais garçons avoués dont l’un au moins est un ancien condamné de droit commun, sont accusés d'avoir volé et pillé à cadence suivie et rapide nombre de fermes de la région.
Et s’ils se retrouvent aujourd'hui jugés par le maquis c'est parce qu'ils ont commis leurs actes de brigandage au nom même du maquis. Et parce que sur la plainte des paysans, les deux individus ont été identifiés et arrêtés par nos services de sécurité.
Ils reconnaissent les faits et ne nient pas les preuves accumulées contre contre eux. Le maquis ne peut vivre que s’il a la sympathie des populations. De tels actes, s'il se répétaient finiraient par porter atteinte à la réputation que nous avons acquise. Il faut à tout prix arrêter les histoires de ce genre, il faut que notre jugement ait valeur d’exemple. Mais il faut que le procès ait lieu dans les règles. FRANCIS emploie ses connaissances et son talent à essayer de sauver la tête des deux accusés. Pour nous la mort paraît le juste salaire : tel le veut le code militaire quant au pillage en temps de guerre, le fait de se prévaloir du maquis ne pouvant être qu’une circonstance aggravante.
FRANCIS fait vibrer la corde sensible. L'un des truands à cinq enfants et…
C'est alors que le planton de service interrompt la séance :
” — Quelqu’un demande à voir le commandant GEORGES de toute urgence.
— Qui est-ce ?
Le planton sort et rapporte la réponse :
— Le colonel BERGER.
— Connais pas.
Le planton ressort. Reviens avec un autre sésame :
— C’est André MALRAUX”.
Je fais un bon sur ma chaise, me lève et vais accueillir MALRAUX qu’entourent deux officiers britanniques, Cyril WATNEY et Richard PINDER, si ma mémoire est bonne.
J'explique la réunion et demande un peu de patience :
”— Si vous permettez nous allons terminer la séance. C'est une question grave”.
Appuyés contre le mur, MALRAUX et les deux Anglais écoutent en silence la fin des délibérations.
Les deux hommes furent condamnés à mort. Le père de famille dut à ses enfants d'avoir la vie sauve : gracié comme on peut être dispensé de certaines charges. L'homme fut affecté au cuisine et le chef de poste reçut l'ordre de tirer sans sommation s'il faisait mine de vouloir s'échapper.
La salle fut évacuée. Je restai avec un de mes deux adjoints, en face de MALRAUX et de ces deux Anglais. Une salve retentit. Le chef de poste avait fait exécuter la sentence. Notre sécurité, notre survie dépendaient peut-être de cette salve. C'était assez pour que nous nous montrions inflexibles et que nul ne l’ignorât. MALRAUX n'avait rien dit. Personne n'évoqua la scène que nous venions de vivre.
Après quelques formules d’accueil où je manifestais le plaisir que j'avais à accueillir mon visiteur, MALRAUX attaqua dans le vif sujet : ” — il y a dans ce département les maquis ceux de VENY, ceux de l’ORA ! Nous cherchons l’efficacité. Il faut regrouper tous ces mouvements en un seul état-major régional… Telle est notre mission”.
Au nom de qui parlait-il ? Que cachait ce ”nous” ? De GAULLE ? Les Anglais? Les Américains ? Depuis les choses ne se sont pas éclairés à ce sujet.
MALRAUX poursuivit, énonçant les avantages de cet état-major unifié : l’efficacité, le commandement, le financement, les appuis anglais, l’armement… tous les problèmes matériels… Il monologuait déjà sur ce ton de lyrisme saccadé qui deviendra familier à chacun, et avec ces tics de visage et ce doigt levé, comme pour souligner son propos.
L'affaire pouvait paraître tentante en effet. MALRAUX semblait ignorer cependant qu’à l’époque les maquis F.T.P. ne connaissaient plus de problème de financement -– je lui précisai que nous pensions nous, qu'il valait mieux faire payer l'état de Vichy.
Quant à l’armement, la bonne entente avec COURNIL comme les excellentes relations avec MacPHERSON et le commando US, y suffisaient amplement. Restait le problème de l'efficacité éventuelle d'un commandement unique.
”La réponse ne peut être donnée à mon échelon. Je veux bien admettre votre raisonnement mais la décision doit se prendre un autre niveau que le mien. Moi j’exécute des ordres. Il faudrait vous adresser à l'échelon supérieur”.
Je tournais autour de mon refus répétant mes arguments tandis que MALRAUX répétait sa demande. Il voulut me convaincre et leva un index inspiré et définitif :
” — Une compagnie du Lot me suit déjà…”.
Il arrêta là ce qui semblait une menace, mais qu'ils voulait imprécise et vague. L'affaire m’étonnait et je réussis. à lui faire donner le nom de cette compagnie c'était la compagnie de Mourjou (Cantal) confiée à un sous-officier d'active du nom d’HUBERT. MALRAUX ignorait que cette compagnie m'appartenait comme on dit en langage un militaire.
Je laissai partir MALRAUX visiblement déçu par mon attitude.
J’étais moi conscient d'avoir agi et respecté la charge qui m’était confiée. La mission était de combattre et non de décider de stratégies unificatrices. J'en conclus à l'époque et le colonel BERGER se cherchait sur le tard des effectifs et j'appris par la suite, qu'il avait accompli les mêmes démarches en Corrèze est en Dordogne, sans succès…

GEORGES rappelle à l’ordre HUBERT chef du maquis de Mourjou. Nul ne saura jamais si ce dernier s’est laissé abuser par la notoriété de MALRAUX, car HUBERT disparait dans l’Aveyron sans se justifier. GEORGES récupère les hommes du maquis de Mourjou.

Le 8 juin, quelques jours après l’éviction de MALRAUX par GEORGES à Gabaudet, les Allemands investissent le camp et massacrent 35 personnes (tragédie de Gabaudet). L’adjudant-chef gendarme ayant dénoncé ce lieu d’enrôlement, arrêté fortuitement le soir même par le maquis de l’Alzou, fut jugé et exécuté avec toute sa famille.
Le 22 juillet, de retour d’une ”réunion manquée” dans l’Aveyron, en compagnie de George HILLER et d’Henri COLLIGNON des maquis VENY, MALRAUX, légèrement blessé fut arrêté par les Allemands lors d’une embuscade à Gramat le 22 juillet 1944.
Les Allemands embastillent MALRAUX à la prison Saint-Michel de Toulouse.
Traité ”avec des égards”, il échappera au sort réservé aux maquisards qui, d’ordinaire, étaient torturés, déportés ou exécutés sur le champ, sans tenir aucun compte de leur statut social.
”Pourquoi Malraux ne fut-il pas fusillé ?
Tout maquisard pris par l’ennemi, je peux en témoigner, était immédiatement fusillé ou plus généralement massacré après avoir été torturé et mutilé. À plus forte raison pendant cette période de juillet 1944 ou les Allemands étaient acculés, harcelés sans cesse par ceux qu'ils continuaient d'appeler les terroristes” (Robert NOIREAU).

En mars 2003, Jacques HAUSSY (voir MALRAUX en Espagne) donne un avis sans concession sur le livre de René COUSTELLIER , ”Le groupe SOLEIL dans la Résistance” Éditions Fanlac 1998 :
”Voilà un livre passionnant.
Non sans défauts : il est imprégné d’idéologie communiste, et, par exemple, la réécriture partisane de l’histoire des années 30 qui figure dans le premier chapitre est difficilement supportable.
Mais, tout de même un livre passionnant, et pour de nombreuses raisons. J’en retiendrai trois.
a) D’abord parce qu’il raconte simplement, et même sèchement, des actions de résistance, et que, montrant ainsi le courage et le dévouement de tous ces jeunes gens, dont il était lui-même, il leur rend un superbe hommage.
b) Ensuite, parce qu’il est le témoignage d’un acteur important qui n’avait pas été entendu jusqu’alors. Il rectifie d’ailleurs au passage les écrits des uns et des autres – de Pierre BERTAUX, de Guy PENAUD… - montrant ainsi que l’histoire de la Résistance a été rédigée d’abord par des gaullistes .
Parmi ces auteurs démentis il en est un qui mérite une mention particulière par son délire flagorneur pour MALRAUX, c’est GALANTE (avec l’aide d’Yves SALGUES) et son « MALRAUX, quel roman que sa vie ». L’extrait qui est fourni de cet ouvrage donne envie d’en lire davantage tant il est baveux d’admiration et de dévotion pour son idole.
c) Vient la troisième raison de l’intérêt du livre de René COUSTELLIER: la relation de ses contacts avec André MALRAUX, relation qui n’est pas seulement passionnante, mais sensationnelle.
Un drôle de résistant
La rencontre COUSTELLIER-MALRAUX a eu lieu dans la première quinzaine de mars au moulin du Cuzoul, près de la route Daglan-Domme (sud de Sarlat).
[…] Jacques POIRIER alias JACK, collaborateur de Harry PEULEVÉ, du SOE (Special Operations Executive – service secret anglais), ”ne se sentant pas en sécurité en Corrèze, .. désirait un lieu sûr pour son organisation avec une préférence pour la Dordogne sud. » Le récit vaut d’être reproduit :
”Arriva un individu, soufflant comme un phoque (MALRAUX), assez grand et voûté, il me demanda :
— Combien avez-vous attaqué de prisons et combien cela a permis d’évasions ?
— Pourquoi ?
— Pour savoir… puis : vous êtes communiste ?
— L’année dernière, j’ai subi mon dernier interrogatoire devant un juge d’instruction. Veuillez arrêter vos questions, je n’ai rien à vous dire”.
L’arrogance de MALRAUX n’avait bien entendu aucune justification.
[…] Le ton était donné. SOLEIL-COUSTELLIER était confirmé le surlendemain dans son hostilité par un émissaire du colonel RIVIER, chef des FTPF de la R5 :
”Ton ami RIVIER (GODEFROY), ton patron, ayant fait la guerre d’Espagne dans les brigades internationales, te fait dire : " Aucune compromission avec MALRAUX, mais il ne faut pas le confondre avec ses deux frères qui sont des camarades et des résistants. Nous savons pouvoir faire confiance à HARRY, ce n’est pas toujours le cas avec les hommes du SOE…”.
SOLEIL apprendra d’ailleurs le 27 juin que JACK, nouveau responsable SOE après l’arrestation d’HARRY, voulait l’éliminer de son poste de commandement. Jacques POIRIER a protégé Malraux et cautionné ses mensonges et ses auto-nominations.
La suite des actes de MALRAUX n’a fait que conforter l’hostilité, puis provoquer le mépris de SOLEIL.
[…] Les mensonges et les prétentions de Malraux sont la risée de tous. Il se prétend d’abord « DMR [Directeur militaire régional] de Toulouse ». Et puis le 18 juin est parachuté un vrai DMR de Toulouse. Qu’à cela ne tienne, il se désignera ”coordinateur, pour Londres, des mouvements de Résistance en Dordogne, en Corrèze et dans le Lot” !


Arrêté par les allemands :
Le 22 juillet, cinq personnes sont dans une traction-avant arborant le sigle FFI lorsque, en arrivant à Gramat où une colonne allemande vient d’établir un cantonnement, ils tombent sur un barrage allemand qui ouvre le feu.
André Malraux est ainsi fait prisonnier : ”Déclinant ses titres, il se dit chef militaire de la région. Il suit les consignes : pris, un résistant doit s’accorder le grade le plus élevé possible pour éviter l’exécution immédiate. Ensuite, il faut tenir deux jours sous la torture”.
Ces soi-disant consignes sont évidemment absurdes. COUSTELLIER raconte que, le 18 mai, il est demandé à MALRAUX :
”— Si les Allemands te prenaient, comment ferais-tu ? Dis-le…
— Dans la vie, il faut toujours tout prévoir… je ferai savoir qui je suis !”.
Instinctivement j’ai lâché mon stylo et j’ai porté la main à ma ceinture.
Malraux me dit :
”— A ta place, j’aurais fait comme toi, mais tu ne peux pas me tuer. En bas, à la Treille, chez Nandou, ils nous savent ensemble. Ce serait un meurtre à l’encontre d’un écrivain reconnu par l’Académie Goncourt."
Je lui ai répondu :
"— Fous le camp, je n’ai pas fini mon travail et je ne peux plus te supporter à mes côtés" . »
Le fait est qu’il s’est laissé prendre vivant, et qu’il est sorti de sa détention le 19 août, vivant et sans avoir été torturé.
Il ne peut y avoir que deux explications à cette mansuétude alors tout à fait exceptionnelle : ou avoir été « retourné » et avoir coopéré avec les nazis, ou avoir bénéficié de protections.

[..] Ficelé comme un saucisson
Le 7 septembre, André MALRAUX se présente en début d’après-midi à l’entrée d’une réunion de cadres militaires FTPF à Limoges. SOLEIL, qui voulait se débarrasser depuis quelque temps de l’individu, le fait ficeler et enfermer dans le coffre de sa voiture. Il sera amené ainsi dans une ferme des environs de Belvès, où il attendra jusqu’au lendemain matin, dans l’herbe, « ficelé des chevilles aux épaules, la bouche recouverte par un bandeau serré ». Il sera tiré de ce mauvais pas par PAT (PATINAUD), numéro un du PCF en Dordogne, dont l’accord pour l’exécution avait été sollicité.
Cette histoire est sensationnelle, et il est curieux de voir ce qu’en a dit Olivier TODD, dernier biographe du grand homme.
L’affaire ne figure qu’en note de bas de page :
”On racontera que Soleil a enfermé Malraux dans le coffre de sa voiture. Douteux”.
En fait, on s’aperçoit que TODD n’a pas lu le livre de René COUSTELLIER, bien qu’il soit paru près de trois ans avant le sien, et qu’il ne l’a pas rencontré…
[…] En ignorant le témoignage passionnant d’un tel acteur de la Résistance en Périgord, Olivier Todd n’a pas seulement fait une erreur, il a commis une faute.

© Jacques Haussy, mars 2003

René Coustellier n’est pas tendre avec André MALRAUX, Jacques HAUSSY, non plus.

La libération d’André MALRAUX de la prison Saint-Michel de Toulouse le 19 août 1944, selon André BALENT dans ”MAITRON dictionnaire biographique – mouvement ouvrier – mouvement social” (août 2020).
”Des résistants détenus :
”Le cas d’André Malraux : La prison Saint-Michel abrita aussi, parmi tous ceux qui y séjournèrent en transit vers les camps de concentration, André MALRAUX : entré en résistance en mars 1944, actif, en particulier dans le Lot et la Dordogne (Groupes Vény, AS), il fut arrêté le 22 juillet 1944 à Gramat (Lot) par un détachement de le 11e Panzer, et, après diverses péripéties, transféré à la prison Saint-Michel.
Il y séjourna jusqu’au 19 août et fut un témoin pour le moins partial de l’événement singulier que fut la libération de la prison lors des combats qui accompagnèrent le départ des Allemands de la ville rose.
D’après diverses publications en particulier La Dépêche et divers sites Internet, il aurait été délivré par deux résistants, les frères Angel, sur ordre de Jean-Pierre VERNANT au moment de la Libération de Toulouse (19 août 1944), à la veille de son transfert prévu vers Compiègne et l’Allemagne.
Peut-être VERNANT a-t-il voulu le protéger — c’était un écrivain prestigieux, mondialement connu — dans ce moment pour le moins délicat, en dépêchant à la prison Saint-Michel deux FFI de confiance ? Mais, de fait, un groupe de femmes, certaines du quartier, suivies par des FFI, envahit la prison Saint-Michel. André MALRAUX a affirmé dans ses Antimémoires — propos démenti par les autres témoins et/ou acteurs de l’événement — qu’il aurait été l’organisateur de la libération de Saint-Michel jusqu’au moment où furent ouvertes les portes de l’établissement, une fois les Allemands partis. Les témoignages de femmes, actrices de l’événement, recueillis par Rolande TREMPÉ démentent totalement les propos d’un écrivain narcissique qui a voulu s’attribuer un rôle qui ne fut pas le sien. À la suite de Rolande TREMPÉ, Guy Penaud a bien montré que ce ne fut pas le cas et que Malraux fut libéré comme tous les autres détenus.”

La brigade Alsace-Lorraine d’André MALRAUX (septembre 1944 – mars 1945)
”La ”Brigade très chrétienne du colonel Berger” (source Wikipedia)

”Un moment pressenti pour prendre le commandement de la nouvelle unité, le lieutenant-colonel Pierre-Élie JACQUOT s’efface avec élégance après l’arrivée providentielle du charismatique MALRAUX.
Mais au départ, la suspicion envers le ”communiste MALRAUX des brigades internationales en Espagne”, suscitait de multiples réticence qui finalement furent aplanies, la raison l’emportant.
Comme JACQUOT est officier d’active, MALRAUX sera le commandant ”militaire” de la Brigade.
C’est donc André MALRAUX alias ”colonel BERGER” qui en prend le commandement. Le 17 septembre 1944 à l’hôtel de la Cloche à Dijon, est signé l’acte officiel de création.
Les 1.500 combattants volontaires, indisciplinés et équipés de vieilles Traction avant Citroën, de gazogènes et de GMC brinquebalants, vont faire souffler un vent d'Espagne sur cette brigade. Elle s’intègre dans la 1ère Armée du général de LATTRE de TASSIGNY qui la surnommera ”la Brigade des trois cents pouilleux”. D’autres l’appelleront aussi ”La Brigade très chrétienne du colonel BERGER” en raison du grand nombre de prêtres, pasteurs et autres théologiens qui la composaient. Les plus jeunes combattants ont à peine seize ans. Ils portent encore des culottes courtes et des espadrilles”.
Pendant cinq mois, de septembre 1944 à février 1945, la « Brigade Alsace-Lorraine » participe aux violents combats d’Alsace. Elle entre le 6 décembre 1944 à Strasbourg. Le 15 mars 1945, la Brigade Alsace-Lorraine est dissoute et les volontaires sont incorporés à la 14e division d’Infanterie pour la fin de la campagne d’Allemagne.

Extrait de ”Création de la B.I.A.L.” publication du Comité Pour la Mémoire de la Brigade Alsace-Lorraine (COMEBAL)
”Bernard Metz a été le principal artisan de la constitution de la BIAL (Brigade Indépendante Alsace-Lorraine), il a su profiter des multiples contacts qu’il a créés en 1943-1944 et il a utilisé avec courage et énergie l'autonomie que les fondateurs du réseau MARTIAL lui avait octroyé le 4 juin 1944 pour transformer le GMA sud (Groupe Mobile d’Alsace) en une unité militaire hautement symbolique.
Ce ne fut pas sans désappointement pour les responsables du réseau Martial. Quand Marcel KIBLER (MARCEAU Jean ESCHBACH (Rivière) et le colonel d’ORNANT retenus jusqu'en novembre 1944 dans le piège vosgien peuvent enfin rejoindre le général LECLERC à Baccarat (Meurthe-et-Moselle), puis le général de LATTRE de TASSIGNY à Besançon, ils font un accueil ”poli” à MALRAUX.
Ernest GEORGES (GEORGE) alors à la tête du GMA Suisse qu'il a formé en regroupant les Alsaciens-Lorrains réfugiés dans les camps suisses, refuse quant à lui de rejoindre la BIAL sous le commandement de MALRAUX. Son unité à l'honneur de contribuer à la libération du premier village alsaciens Seppois-le-bas le 24 novembre 1944”.
Marie-Noëlle DIENER-HATT présidente honoraire du Comébal (Comité pour la Mémoire de la Brigade Alsace-Lorraine)


à suivre épisode 13 - Londres, Le Général de Gaulle, la Résistance et l'Histoire