épisode 3 - Lauzès

Rédigé le 23/05/2023
la mairie

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Rappel / pour retrouver l'épisode 2 - Cabrerets - Cras facilement, c'est ICI / épisode 2


La résistance dans les cantons de Lauzès

épisode 3 - Lauzès

Caserne de gendarmerie désaffectée (derrière l’ancienne école primaire)


LAUZÈS 
 
Extrait d’un document du Musée de la résistance de Cahors : 
 
"Le 11 mai la “Das Reich” investit Lauzès.
 
La poste est occupée et les communications téléphoniques coupées. Les gendarmes désarmés et tous les hommes sont conduits au centre du bourg. Les familles des gendarmes sont rassemblées dans un logement de la caserne et placées sous surveillance. Les maisons sont fouillées.
 
Au cours de ces opérations le parisien LALO Abel, originaire de Lauzès, réfugié dans sa famille est abattu ainsi que Jeanne MONCOUTIÉ et sa fille Berthe.
 
François JUBIN, médecin de la Marine, mis en disponibilité à sa demande s'installe comme médecin de campagne à Lauzès. Il adhère à l'O.R.A. (Organisation de Résistance de l'Armée) puis aux F.T.P. Il est commandant de la 2ème compagnie du bataillon sud. Il est tué par les Allemands qui ont investi Gourdon le 26 juin 1944. Nous lui avons rendu hommage dans notre chronique.
 
La mission de JUBIN, de son P.C. de Lauzès, est l'organisation des « Statiques », travailleurs le jour, saboteurs la nuit et le 6 juin 1944, à la suite de l'état d'alerte général et ordre de mobilisation la formation des “groupes de réserve”, dans les communes sous sa responsabilité, allant de Vers à l'ouest, à Blars à l'est et des Masseries au sud, à Sénaillac-Lauzès au nord.
 
En dehors des villages déjà cités nous trouvons Cras, Lentillac du Causse, Orniac, Sabadel-Lauzès, Saint-Cernin, Nadillac, Saint-Martin-de-Vers. Rappelons que dans notre département plus de 2.000 “statiques” rejoindront les F.F.I. et iront se battre à la Pointe-de-Grave, les Vosges ou l'Alsace pour la libération de notre pays”.
 
Le village de Lauzès était à l’époque plus important qu’aujourd’hui. Des foires importantes s’y tenaient (voir bascule devant la Mairie) et de nombreux commerces. Il était au centre géographique des trois secteurs des maquis du Lot (Cahors, Figeac/Cajarc et Souillac/Saint-Céré), un peu à l'écart des grands axes. Cette situation en faisait le point de rencontre des chefs des maquis lotois qui savaient y trouver un noyau important de sympathisants sûrs : François JUBIN, Georges DUVEAU ou la famille COURTIOL qui possédait une maison à Bourbous (un hameau discret à l’écart). CHAPOU y venait souvent et y dormait quelquefois.
 
Le 11 mai 1944, la Division Das Reich arrive à Lauzès tôt le matin. 
 
Les Allemands neutralisent et désarment les gendarmes,  ils occupent la poste, le téléphone est coupé. Ils rassemblent tous les hommes sur la place du village. Les familles des gendarmes sont consignées à la gendarmerie sous bonne garde. 
 
 “HERCULE” dirige les opérations. 
 
Les Allemands bien renseignés connaissent leur mission. Ils recherchent plusieurs personnes : le Commandant PHILIPPE (CHAPOU), Ernest COURTIOL et le médecin du village le docteur François JUBIN, chef de secteur de l’O.R.A. (Organisation de Résistance de l’Armée). 
 
Ils fouillent et pillent les maisons avec brutalité. 
 
Ernest COURTIOL est communiste, résistant de la première heure, ami de Marcel METGES du Café du Midi à Cahors (actuelles pompes funèbres 93 boulevard Gambetta), lui-même proche de Jean-Jacques CHAPOU. 
 
Le 17 août 1943, quand CHAPOU et sa troupe (un des premiers maquis du Lot) voient leurs premières planques devenir dangereuses à Arcambal, METGES l’envoie vers un ami sûr : Ernest COURTIOL. 
 
 
CHAPOU et ses amis d’échappent de justesse à l’encerclement par la Milice, en face de Saint-Géry aux grottes de l'Iffernet. Ils traversent le Lot.
 
Ernest COURTIOL les accueille à Lauzès et les conduit à quelques kilomètres au sud, à la ferme de Malaterre. 
 
Cette propriété, paradoxalement, appartient à Anatole de MONZIE, Député-Maire de Cahors, Ministre, personnage ambigu qui connaitra quelques ennuis à la Libération. 
 
Joachim CARBELLO-CARPI (nda : De son vrai nom Joaquin CARBELLU CARPI, militant de la CNT de Villanueva de Sigena (Huesca) avait été emprisonné en Espagne le 9 décembre 1933. La CNT était une organisation anarcho-syndicaliste catalane (Confederación Nacional del Trabajo). Réfugié en France, il participait à la Résistance quand il fut tué par les SS le 11 mai 1944 à Malaterre) est détaché  d’un GTE.
 
Officiellement, il aide à la ferme de Malaterre, mais en même temps, il est résistant et assure la garde des réserves du maquis. Les Allemands le surprennent tôt le matin du 11 mai 1944. Il sera tué. D’autres Espagnols s’enfuient ou sont arrêtés sans qu’on sache qui, et combien.
 
Les parents COURTIOL outre leur ferme de Bourbous, tiennent une petite boutique de draperie-mercerie à Lauzès. Ernest le père, effectue des transports et s’approvisionne à Cahors à bord de sa camionnette Citroën C.4. 
 
Pour l’anecdote : un matin où il rapporte deux sacs de tabacs, de la Régie des Tabacs de Cahors, destinés à Lauzès et Saint-Cernin, des maquisards l’arrêtent dans le bas de la côte de Guillot et l’obligent à lui remettre les sacs contre un reçu...
 
Le 11 mai 1944, les trois fils COURTIOL ont dormi à la mercerie : Francis,  Roland et Lucien l’aîné. Roland est accompagné d’Alfred SIRVEN (celui de l'affaire ELF) un camarade de classe du Lycée Gambetta à Cahors ! 
 
SIRVEN demandait avec insistance à entrer au maquis, mais avait été jugé trop jeune. Quand les Allemands arrivent le 11 mai, Roland réussit à s’enfuir à travers champs, Lucien n’a pas le temps. Il se couche derrière un mur. Alfred SIRVEN surpris, se cache à l’étage, dans un fût servant à fumer les jambons sous la cendre. Les Allemands voient le fût mais n'y prêtent pas attention et s’en vont.
 
Ils embarquent Francis (14 ans). Francis aurait été libéré (?) une heure plus tard sur l’insistance de M. LÉONARD l’instituteur de Sabadel-Lauzès : “Regardez-le c’est un gosse, laissez-le…” (François SAUTERON dans son livre ”Deux beaux salauds” donne une autre version de la mésaventure de Francis COURTIOL (à lire en fin d’ouvrage dans le paragraphe consacré à HERCULE)) . Son frère Lucien n’aura pas cette chance… il se relève et court dans la combe voisine. Un Allemand l’aperçoit, tire, le blesse à la jambe et l’arrête.
Ernest et son épouse ont dormi à la ferme de Bourbous cette nuit là. Un “bon Français” local, accompagnera HERCULE et les Allemands jusque là. Il sera formellement reconnu par Madame COURTIOL. 
 
Ernest COURTIOL, le père, a entendu l’arrivée des Allemands et les tirs d’armes automatiques à Lauzès. 
Il a fui dans les bois quand Roland arrive à bout de souffle pour avertir ses parents. Madame COURTIOL l’envoie rejoindre son père à Berguil, au-dessus de la vallée du Vers. Tous deux resteront  cachés plusieurs jours dans les cazelles dite “du maquis” aux Bourbous (sur les “chemins qui parlent”). Les Allemands ne prennent pas le risque de poursuivre les fuyards dans des lieux qu’ils ne connaissent pas.
 
Le docteur François JUBIN aussi était à Lauzès. Lui non plus n'a pas le temps de s'enfuir. 
Il ouvre précipitamment la soue aux cochons chez MARTY et se couche dans la “paille” (actuellement chez Claude GRIFFOUL) ; les Allemands passent et repassent à quelques mètres de lui sans le voir. Il y restera terré toute la journée. “Le cochon, profitant de la porte laissée ouverte se promenait dans le village”, dira Madame MARTY... 
 
Cette pauvre femme a tellement peur que JUBIN soit découvert qu’elle le laisse divaguer et qu'elle reste paralysée devant la porte de sa maison. Un Allemand, croyant qu’elle surveille les lieux, lui donne un tel coup de pied au derrière, qu’elle en demeurera marquée et traumatisée jusqu’à la fin de sa vie. 
 
Dans le haut du village, Raymond BOUSCARIE s’enfuit. Une rafale de mitraillette le manque. Il monte vers sa maison du Mas Delfour et court se réfugier dans les bois. 
 
 
François JUBIN
 
 
C’était un homme d’action, téméraire.
 
Sa mission au sein de la Résistance depuis son P.C. de Lauzès est l’organisation des “statiques”, travailleurs le jour, saboteurs la nuit. 
 
Le 6 juin, à la suite de l’état d’alerte général, il recrute et mobilise les “groupes de réserve” dans son secteur : un polygone allant de Lauzès à Vers, et des Masseries à Sénaillac-Lauzès. Il soignait les résistants blessés, souvent au péril de sa vie.  
 
Né le 21 juin 1916 à Cahors, il appartenait à une famille lotoise d'officiers et de médecins. Les affectations successives de son père, médecin colonial l'amenèrent, après avoir fréquenté le lycée Gambetta, à terminer ses études secondaires à Nouméa. Puis après une préparation, il fut admis en 1938 au concours de l'École de Santé navale de Bordeaux. Mais en 1940, à l'issue de sa troisième année d'études, il est mobilisé et envoyé comme médecin auxiliaire dans une unité de fusiliers marins à Boulogne-sur-mer.
 
Au cours des combats de rue, après avoir enlevé ses insignes de Médecin pour se battre au milieu de ses fusiliers il est blessé le 24 juin 1940, fait prisonnier et envoyé en Hollande.
 
Il s'évade, traverse la France occupée à bicyclette du nord au sud,, et sa famille le voit arriver en “zone libre” à Cahors hirsute et déguenillé au cours de l'été. Il reprend et termine ses études médicales à Montpellier et Hyères. Mais il ne veut pas être incorporé dans l’armée de Vichy ; il veut reprendre le combat contre l’occupant nazi.
 
À sa demande il est mis en disponibilité. Il quitte l'armée avec l'idée toujours présente de se lancer dans la Résistance sur le territoire français, ayant tenté à deux reprises, sans succès, de rejoindre les forces françaises Libres en Afrique du Nord.
 
Avec l'appui du docteur ROUGIÉ président de l'ordre des médecins du Lot, Il s’installe à Lauzès en 1943 comme médecin de campagne. Médecin de campagne le jour, il s'active la nuit et soigne les blessés. Sous le nom de Jupiter il est chef d'un canton de l'armée secrète (AS) qui réunit une trentaine de cadres et une centaine d'hommes.
 
Lors de la fusion des maquis, il rejoint les F.T.P. communistes de Jean-Jacques CHAPOU.
 
Lauzès, ancien chef-lieu, était un gros bourg commerçant, à l’écart des grands axes de communication. 
 
La présence de COURTIOL un ami fidèle, en faisait un point de rencontre sûr pour les maquis du Lot. 
 
Le sinistre HERCULE ne s’y était pas trompé. C’est pour cette raison, que les Allemands encerclèrent Lauzès le 11 mai 1944, espérant y trouver JUBIN, NOIREAU et CHAPOU. 
 
Par chance, CHAPOU venait de prendre le commandement des maquis de Corrèze, le 7 mai, et la réunion prévue entre les chefs de réseaux locaux avait été annulée.
 
Informé de la razzia allemande, inquiet, craignant que son épouse enceinte serve d’otage, JUBIN la mit à l’abri à Nabirat en Dordogne. Le jour de sa mort, le 28 juin 1944 il revenait de rendre visite à la maman de leur deuxième enfant, né 23 jours plus tôt. 
 
Le 6 juin, le débarquement des Alliés en Normandie, a suscité un immense espoir. C’est l’état d’alerte général. JUBIN mobilise les “groupes de réserve” dans les communes sous sa responsabilité.
 
Par provocation, il affiche son patriotisme et circule en uniforme, arborant un fanion tricolore sur sa Citroën. 
 
Il ignorait que le destin allait mettre la “Wehrmacht” sur sa route. Il fut abattu par un poste de garde près de la gare de Gourdon.  Son corps restera toute la journée dans une vigne où il fut jeté par les Allemands. 
 
Transporté à la mairie de Gourdon, son épouse dût aller le reconnaître.
 
François JUBIN repose au cimetière de Cahors. Son nom figure aux monuments aux morts de Gourdon et de Lauzès. 
 
La MARPA de Lauzès porte son nom. 
 
 
Abel, Germain LALO
 
Les Allemands aperçoivent un homme dans son jardin. Il s’agit d’Abel Lalo, un paisible Lauzèssois de 56 ans, parisien réfugié dans son village natal à Lauzès, un peu sourd
 
N’a-t-il pas entendu l’appel au rassemblement ou a-t-il refusé de s’y rendre ? Il bêchait tranquillement son jardin. Quand il aperçoit les Allemands venus l’appréhender, fait-il mine de s’enfuir ?
 
Les nazis le tuent ; un soldat lui vole sa montre. Une heure plus tard le commandant des SS la rendra à sa famille avec des excuses. 
 
Tous tueurs, violeurs et pilleurs, mais pas tous voleurs…
 
Abel Lalo était le fils de Pierre, employé des tabacs, et de son épouse Joséphine Sara Lalo née à Frayssinet.
 
Il était né le 20 décembre 1888 à Soulomès. Exempté du service militaire pour raisons de santé en 1909, il fut cependant mobilisé en 1917-1919 dans une unité du train. Il vécut après la guerre en région pari-sienne où il était chef de bureau, avant de revenir dans sa commune natale. 
 
 
Jeanne et Marie-Berthe MONCOUTIÉ 
 
Dans leur cour du Mas Delfour, Marie-Berthe MONCOUTIÉ et sa mère Jeanne (née VERTUT) voient passer en courant Raymond BOUSCARIE qui leur crie : “Les Allemands arrivent !”. Elles poussent leurs quelques brebis vers la bergerie.
 
Leur chien aboie furieusement et se précipite sur le chemin en voyant les Allemands. Elles l’appellent : “Marquis, Marquis !”.
 
Les Allemands ont-ils compris “maquis” ? 
 
Les ont-ils vues parler à Raymond BOUSCARIE ? 
 
”Marquis” était le pseudonyme d’un résistant lotois…
 
Ils s’approchent et tuent les deux femmes de sang-froid, la jeune Berthe 20 ans d’une balle dans la nuque. Place du Foirail aux Boeufs, tout près de l’endroit où ils ont tué Abel LALO, ils tirent sur Mme LANGLÈS arrivée par le passage Langlès et la manquent ; un impact de balle en atteste sur le panneau droit du portail. Ils interrogent le père de Jeanine LANGLÈS, la mitraillette sur le ventre.
 
Jeanne VERTUT était la fille de Jean, cultivateur et de son épouse Félixe RIGOUSTE. Elle était née le 14 septembre 1894 à Sénaillac-Lauzès. Le 3 février 1921, elle épousa à Sénaillac-Lauzès, Léon MONCOUTIÉ né en 1894 à Lauzès, cultivateur. Le couple s’installa à Lauzès. De cette union naquirent deux enfants, Marcel, né en 1921 et Marie Berthe, née le 9 avril 1924. 
 
 
Lucien COURTIOL
 
Lucien, deuxième des trois fils d’Ernest, était sorti de la maison en même temps que son frère Roland. Mais il n’eût pas le temps de s’enfuir.
 
Il se cacha derrière un mur aux Combettes, espérant trouver un moment propice pour les traverser et s’enfuir vers les Graves.
 
Malheureusement un Allemand l’aperçut et le blessa à la jambe. A défaut de son père, les Allemands s’emparèrent du fils. 
 
Lucien COURTIOL mourra décapité en déportation en novembre 1944.
 
Son père Ernest ne s’en remettra pas. 
 
Tout le reste de sa vie, il se considèrera comme responsable de la mort de son fils.
 
 
Témoignage d’André CABRIGNAC né à Lauzès
 
Le 11 mai 1944, les Allemands de la Das Reich sont arrivés par la Nationale de Cahors en bas. Ils se sont arrêtés chez nous et nous ont volé une bassine neuve pleine d’eau fraîche.
 
Ils sont repartis vers le bourg. Un moment plus tard nous avons entendu plusieurs rafales de mitraillettes, on ne savait pas ce qui se passait, on avait peur qu’ils reviennent. 
 
Plus tard on a appris ce qui s’était passé : COURTIOL a été blessé à la cheville en s’enfuyant. Il a été arrêté et déporté par les Allemands. On dit dans le village qu’il a été décapité en Allemagne (nda : De nombreux témoignages rapportent que des maquisards communistes furent guillotinés en France et d’autres décapités à la hache en Allemagne). 
 
Abel LALO jardinait. Quand il a vu les Allemands, il aurait chercher à s’enfuir ou à se cacher. Les Allemands l’ont tué.
 
Ils ont aussi tué Jeanne MONCOUTIÉ et sa fille Berthe.
 
Je me souviens que le jour de l’enterrement, l’émotion était très grande dans le village. Le curé POUGET pleurait en chaire, devant les cercueils des trois innocents Lauzéssois”. 
 
 
Témoignage de Madame VERDY (actuelle maison KIEFFER)
 
Mon père a entendu les Allemands arriver. Il partait travailler à notre vigne au Pouzet. Il n’a pas pu avertir ma mère qui dormait. Dans l’affolement il a choisi de continuer son chemin. De peur d’être arrêté, il s’est caché à la vigne.
 
Les Allemands sont entrés dans la maison restée ouverte (pas fermée à clé). Ils ont tiré ma mère de son lit.
 
Elle était terrorisée à l’idée d’un revolver de 14/18 qui était caché dans la chambre à l’étage. Heureusement, ils ne sont pas montés. Ils ont tué le voisin M. Abel LALO et Mme MONCOUTIÉ et sa fille au Mas Delfour”.
 
 
Témoignage de M. BALDY kinésithérapeute 
(fils de M. BALDY médecin et ancien Maire de Lauzès)
 
Je connais bien la grotte du maquis aux Bois-Grands de Malaterre. Près de la grotte il y avait la carcasse d’un ancien autocar qui a dû être enlevée. 
 
À Malaterre, ils ont pris les gens qui étaient à la ferme et les ont tués aux COMBES (Borie Basse) sur la route des Garroustes.
 
Il y avait des caches d’armes un peu partout dans le pays, en particulier dans la grotte de Berguil vers Font Polémie. À Lauzès, les gendarmes avaient cachés des armes dans la mare qui se trouvait sous l’actuelle salle des fêtes.
 
Et encore, Lauzès était un endroit plutôt calme en ce temps-là”.
 
Ce témoignage est le troisième qui confirme la mort d’au moins deux personnes le 11 mai 1944 à Malaterre. 
L’ambigüité du rapport de gendarmerie concernant cette journée, ajoute aux questions : 
Lauzès : 11/05/44 : 30 personnes arrêtées - 2 civils tués (?) - 2 maquisards tués, 2 capturés (Rapport de la gendarmerie nationale).
 
 
Extrait du livre que Georges CAZARD a consacré à J. J. CHAPOU (capitaine PHILIPPE) :
 
PHILIPPE avait à Lauzès un point de chute, chez COURTIOL. Il y rencontrait ses camarades, ses amis. Il y couchait parfois.
 
La Gestapo ignora dans les premiers jours son départ en Corrèze. Elle crut qu’en occupant de très bonne heure ce chef-lieu perdu au milieu des Causses, elle mettrait la main sur la tête de l’hydre.
 
Aussi dès la pointe du jour, les troupes nazies sont-elles aux portes de Lauzès, surveillant les communications téléphoniques. La gendarmerie est envahie. Les gendarmes désarmés sont conduits au centre du bourg, tandis que leurs familles restent à la gendarmerie sous bonne garde. En même temps, des soldats ennemis fouillent les maisons, arrêtent les hommes, les conduisent sur la place pour identification.
 
Trois personnes sont tuées : Abel LALO, 56 ans, Mme veuve MONCOUTIÉ, 50 ans ; Mlle Jeanne VERTUT 20 ans.
 
Rien ne résiste aux barbares ; les femmes, les jeunes filles ne bénéficient d’aucun égard. Les cadavres portent la signature des assassins : une balle entrée dans la nuque et sortie dans la région frontale…
 
Témoignage de Guy MALGOUYAT né en 1927
recueilli à la Thèze à Frayssinet-le-Gélat :
 
 
J’étais au Lycée Gambetta de Cahors avec Roland COURTIOL et Alfred SIRVEN (de l’affaire ELF !). Il venaient très souvent à la maison. 
 
Je tiens ce que je vous dis de deux sources différentes : Roland COURTIOL et Alfred SIRVEN (nda : Alfred SIRVEN, né à Toulouse en 1927. C’est un aventurier devenu homme d’affaires, connu pour avoir établi un gigantesque réseau de corruption, et pour avoir détourné d’immenses sommes d’argent alors qu’il était numéro deux d’ELF Aquitaine pour financer des hommes politiques, des chefs d’états africains, des syndicalistes.  Il est mort à Caen en 2005 sans avoir livré ses secrets. Il avait ouvert 300 comptes bancaires en Suisse pour ”ses obligés” (source Wikipedia)).
 
Les COURTIOL possédaient deux maisons : une au hameau de Bourbous, l’autre au centre du village de Lauzès.
 
Le 11 mai 1944, les parents COURTIOL ((pseudo Pierre) et son épouse) dormaient à leur ferme de Bourbous. Alfred SIRVEN dormait chez COURTIOL dans leur maison du bourg de Lauzès, avec Roland, Lucien et Francis COURTIOL. 
 
Roland COURTIOL, Alfred SIRVEN et moi-même étions amis et mouillés dans l’affaire du professeur BEAUVILLAIN du Lycée de Cahors. Beauvillain était professeur à Cahors. Il avait été fait prisonnier pendant la phase d’invasion du nord de la France ; il s’était évadé vers la zone sud. 
 
Les Allemands le savaient et venaient pour l'arrêter au Lycée.
 
Nous l’avions su, l'avions averti et caché chez mes parents à la Thèze.
 
BEAUVILLAIN voulait partir en Angleterre, mais mon père n’avait pas de filière. Il a finalement été pris en charge à Grézels puis s’est caché au château de Bonaguil, je crois. Suite à cette affaire qui était parvenue aux oreilles des Allemands, Roland et Alfred avaient dû quitter le Lycée parce que la Gestapo commençait à tourner sérieusement autour d’eux. 
 
Le 11 mai 1944 Roland et Lucien couchaient à Lauzès au rez-de-chaussée de la mercerie ; Alfred dormait à l’étage avec Francis. Roland et Lucien ont entendu les Allemands arriver. Ils ont pu sauter par la fenêtre. SIRVEN était coincé là-haut avec Francis, ils ne pouvaient pas sortir. Alfred est monté au grenier. Autrefois les gens mettaient des barriques au grenier avec des cendres dedans pour faire sécher les jambons. Alfred s’est caché dans la barrique. 
 
Ils ont arrêté Francis qui n’avait pas pu se cacher. Roland a pu s’enfuir à Bourbous à travers champs. Lucien a trébuché. Les Allemands l’ont vu ils ont tiré sur lui. Il a été blessé à une jambe et les Allemands l’ont arrêté. D’après Roland, il aurait pu s’échapper malgré sa blessure, parce que les Allemands ne l’auraient pas poursuivi car ils avaient peur de venir sur le causse...
 
 
- ”Est-ce que vous savez ce qu’est devenu le traître Gabriel BENONI ?
- ”Benoni, il a été descendu par les maquis à la Libération ; je ne sais pas dans quelles conditions exactes, mais il est mort de mort violente, Gilbert VERDIER me l’a confirmé. Je vais vous raconter une histoire à ce sujet. Benoni avait une maîtresse à Touzac dans la vallée. (nda : Ancien repris de justice (28 condamnations), Gabriel Benoni  a été ”engagé”par les Allemands pour infiltrer les maquis et récolter des renseignements. Il a été reconnu par un ancien résistant en gare de Moulins (Allier) le 5 juillet 1945. Arrêté, il a été forcé de reconnaitre la plupart des faits parfaitement établis. Il a été condamné à mort par le tribunal d’Agen et fusillé le 12 juillet 1946 - Gilbert VERDIER, aveyronnais, fils de mineur de Decazeville, instituteur, s’engage très tôt dans la Résistance active auprès de CHAPOU. Il faisait partie des ”équipes de sécurité,. ces équipes de confiance chargées, après avoir vérifié le bien fondé des accusations (enquête, interrogatoires et perquisitions) d’exécuter les collaborationnistes et les faux-maquisards.)
 
- Les maquis sont venus un jour et ont tué cette femme très impliquée dans les dénonciations puisqu’elle écumait la basse-vallée du Lot pour fournir des renseignements à  BENONI. 
 
Le mari cocu habitait avec elle. Un jour, après la guerre, il est venu voir mon père parce qu’il voulait se remarier et qu’il n’avait pas pu obtenir de certificat de décès de sa femme, et pour cause.
 
Je crois que mon père lui a trouvé une solution avec le Maire de Calamane...
 
A Frayssinet il y a eu le terrible épisode du 21 mai 1944, je ne vais pas revenir là-dessus. À la poste, les Allemands avaient laissé la receveuse qui, pécaïre, avait un enfant handicapé. La division Das Reich avait été reconstituée avec beaucoup de jeunes puisque cette division avait été décimée devant Stalindrad. Les morts avaient été remplacés par des jeunes ramassés un peu partout dans les pays occupés : Alsaciens, Lorrains, Roumains, Croates, etc. 
 
Quand ils ont pendu les femmes à Frayssinet , la receveuse des postes qui avait été épargnée, m’a dit qu’elle avait vu pleurer des jeunes de la division Das Reich”.
 
Quelques années plus tôt, Jean COHADON de la Dépêche-du-Midi avait lui aussi recueilli le témoignage de Guy MALGOUYAT :
 
 
Témoignage de Guy MALGOUYAT 
(Dépêche-du-Midi du 18 mars 2000)
 
Quand Alfred SIRVEN brûlait sa jeunesse à Cahors : 
 
J'ai connu SIRVEN en 1942 au lycée, à Cahors. Nous étions pensionnaires et nous avons sympathisé”. 
Depuis ”longtemps”, Guy a perdu de vue son ”copain”. Mais il ne l'a pas oublié : ”J'ai un devoir de mémoire vis-à-vis de lui. Je ne sais rien de ses affaires actuelles mais je sais qui il était à une époque”. 
 
Retour en 1942 : Alfred SIRVEN a 15 ans. Ses parents viennent de se séparer. Sa mère s'installe à Cahors dans un logement très modeste. Elle a quitté le père d'Alfred, un important imprimeur toulousain. Un homme peu généreux avec la mère de son enfant.
 
SIRVEN ne croulait pas sous les billets. En fait, son père lui payait juste la pension au lycée. C'est tout”, se souvient Guy. Entre adolescents, l'amitié se scelle. «Nous étions plusieurs à bien nous entendre. Quand arrivait le dimanche, SIRVEN nous suivait souvent. Il est venu plusieurs fois chez moi, raconte Guy. Ou chez notre copain (Roland COURTIOL)”.
 
Distribution de tracts anti-nazis :
Les troupes de l'Allemagne nazie occupent la France. Au lycée Gambetta, à Cahors, les tracts commencent à circuler.
Ceux des Jeunesses communistes notamment mais pas seulement. De toutes manières, quel que soit le signataire, on les distribuait”, confie Guy.
Et Alfred SIRVEN n'était pas le dernier à mener ces actions : ”Il était clairement anti- fasciste et anti-allemand”, affirme son copain.
 
Les mois passent et la tension monte. Quand ils ne sont pas collés, ces jeunes hommes de 17 ans travaillent leur amitié.
Alfred avait une apparence très froide, un peu dur. Mais il possédait un grand esprit de camaraderie et montrait une grande intelligence”.
 
Dans le maquis en mai 1944 :
Mais la distribution de tracts au sein du lycée ne suffit pas à Alfred SIRVEN. "Il voulait rejoindre les maquis. Le père de Roland Courtiol lui a dit d'attendre. Cela devait être début 1944”, estime son camarade de lycée.
 
A Cahors, les aspirations des jeunes lycéens commencent à agacer les Allemands. Alfred SIRVEN disparaît quelques jours avant des arrestations. Il gagne le maquis du corps-franc Pommies. Quelques jours plus tard, le 11 mai 1944, le frère de son copain COURTIOL est arrêté par des SS de la division ”Das Reich” et déporté. Il meurt à Dachau six mois plus tard.
 
Alfred SIRVEN fait ses armes dans la Résistance. ”Il était prêt à se faire tuer pour ses idées, pour défendre un copain”, affirme notre témoin. Il participe à différents coups de force qui se multiplient avec le débarquement allié en Normandie.
 
Il participe à la libération de Cahors, puis de Toulouse, avec plus de mille autres résistants lotois. Et il continue, s'engage dans la bataille avec d'autres résistants lotois dans l'armée de De Lattre. ”Je crois qu'il a fait toute la campagne d'Alsace. Je le revois encore revenir nous saluer au lycée, à Cahors. Il était sergent-chef. Il avait pris des galons et des décorations avec l'armée de De-Lattre”.
 
Allergique au ”pognon” :
 
 
De retour en terre lotoise, le futur Monsieur Alfred, amateur de cigares et de bons vins, passe son bac et entame son droit.  Il fréquente l'Union de la jeunesse républicaine de France pro-communiste. ”Il n'aimait pas les Américains et haïssait le pognon, les nantis, se souvient son ami. Il n'était pas très content, non plus, de voir des Gaullistes, peu actifs pendant la guerre, occuper des postes importants”.
 
Alfred SIRVEN est aussi un jeune homme qui joue de ses yeux bleus pour séduire les dames. Ce qui lui vaudra pas mal de succès et quelques déboires qui l'éloigneront définitivement de Cahors.
 
Il est revenu deux-trois fois discrètement puis il a disparu", précise Guy. 
 
Après il s'est engagé pour la Corée. 
"Là, je n'ai pas compris. Sûrement son côté tête brûlée. Après, je ne l'ai plus revu”.                                           
 
”En 1942, le lycéen Alfred SIRVEN découvrait Cahors. Loin des millions de l'affaire Elf, il diffusait des tracts anti-nazi et rêvait d'en découdre.
 
Mai 1944 : sur le causse lotois, du côté de Lauzès, les maquis du corps franc Pommiers voient arriver un jeune homme de 17 ans. Du genre volontaire et déterminé.
 
Alfred était quelqu'un de froid. Il ne confiait pas facilement son amitié mais possédait un vrai esprit de camaraderie. Il aurait pu se faire tuer pour défendre un copain”, affirme un ami de classe.
 
Avec ce groupe de résistants dont les effectifs vont bientôt grossir après le débarquement du 6 juin 1944, Alfred SIRVEN s'investit. Il participe aux coups de force qui se multiplient contre l'envahisseur allemand.
 
Il cherche les points chauds plus qu'il ne les évite.
 
Il fait partie des maquisards qui entrent dans Cahors.
 
Une libération sans utiliser son arme : les Allemands sont déjà partis. En revanche, avec 1.500 membres des Forces françaises de l'intérieur des maquis lotois, il part libérer Toulouse.
 
Ensuite, il s'est engagé dans l'armée de De LATTRE.
 
C'est là qu'il a gagné ses galons de sergent et ses décorations. Il a fait toute la campagne d'Alsace. Il a même monté quelques coups pour aller dévaliser l'intendance américaine. Il n'aimait pas beaucoup les Américains qui était beaucoup mieux équipés que nos soldats”, affirme Guy qui a partagé son amitié au lycée Gambetta de Cahors.
 
”Je l'ai vu arriver en 1942. Sa mère travaillait à la préfecture. Elle n'avait pas, ou si peu, d'argent. Lui était pensionnaire. Son père lui payait juste sa pension.
A plusieurs, nous avons vite sympathisé. Le dimanche, il venait chez l'un ou chez l'autre. Déjà, il rêvait de casser du Boche”.
 
Alfred SIRVEN et ses copains vont commencer par distribuer des tracts anti-nazi au sein du lycée. Un jeu dangereux. Le père d'un de ses copains a des fréquents contacts avec le maquis.
 
”Une fois, le père Courtiol l'a renvoyé au lycée. Alfred était déçu. Et puis notre activité a commencé à se savoir. SIRVEN a senti le vent tourner et puis il en avait envie. Il a rejoint le maquis juste avant une série d’arrestations".
 
Son charme lui vaut des soucis :
Monsieur Alfred” reviendra à Cahors en 1946 pour passer son bac et commencer son droit. Il fréquente les groupes de jeunes sensibles aux idées communistes. Son charme, ses beaux yeux bleus font tressaillir plus d'une Cadurcienne. Au point qu'il préfère abandonner les bords du Lot, un père de famille très en colère à ses trousses.
 
Plus tard, en juin 1952, il s'engage dans le Bataillon français qui part en Corée lutter aux côtés des Américains sous la bannière de l'ONU. 
Un engagement que ses amis lotois n'ont pas bien compris : "Quand il est rentré d'Allemagne, il détestait les Américains et les nantis, se souvient son camarade de lycée. Et il n'avait guère de respect pour certains Gaullistes, pas assez actifs à ses yeux pendant la guerre”.
 
Jean Cohadon.
 
Alfred Sirven, l’éminence grise d’Elf, arrêté aux Philippines en 2001 après des années de cavale, sera condamné à cinq ans de prison et un million d'euros d’amende en 2003 dans l'affaire Elf, et à trois ans dans celle des commissions dans la vente des frégates de Taïwan. 
Il sort de prison en mai 2004 pour raisons de santé. Il meurt d’un malaise cardiaque à 78 ans à Deauville en février 2005, sans avoir livré ses secrets.
 
 
 
Témoignage de Maurice LANGLÈS né à Lauzès
 
Il y avait un espagnol qui habitait à Malaterre. Il s’appelait LINO. Comme la maison avait brûlé, il était venu habiter chez un compatriote à Lauzès : CALCERADÈS qui a habité dans le logement au-dessus de l’actuelle mairie.
 
À la Carderie de Vers, il y avait un camp espagnol. Ils fabriquaient du charbon de bois pour la société Gazonite. Ils en faisaient dans les bois, mais aussi sur place. Un maquisard poursuivi par les Allemands vers Souillac est arrivé caché dans un camion de bois. Il venait rejoindre ses compatriotes. 
 
A peine était-il arrivé que les Miliciens sont arrivés eux aussi. 
 
Je ne sais pas s’ils le cherchaient où s’ils fouillaient à la recherche d’autres maquisards, parce que les Espagnols étaient très surveillés. 
 
Il s’est caché dans la Carderie qui était en ruines à cette époque. Il n’a pas eu d’autre solution que de grimper sur le toit par une lucarne. Il tournait autour de la cheminée pour se cacher au fur et à mesure que les Miliciens tournaient autour de la maison. Il n’a pas été pris, il a rejoint le maquis de Malaterre.
 
 
Il y avait des “marmites” à charbon de bois un peu partout. Il y en avait trois entre Artix et Sénaillac-Lauzès. Un soir elles étaient restées allumées, ou est-ce suite à un acte de malveillance, elles ont brûlé et il y a eu un incendie de forêt.
 
Le 11 mai 1944, les Allemands avaient tiré sur la mère d’Albert. Elle venait voir ce qui se passait alors que tout les hommes étaient réunis sur la place. Ils l’ont manquée heureusement. Il y a encore un impact de balle sur le portail. C’est ce jour-là qu’ils ont tué Abel LALO, Berthe MONTCOUTIÉ et sa maman. 
 
Longtemps après les gens avaient encore peur. Ils savaient tout ce qui s’était passé à Gabaudet, à Frayssinet-le-Gélat, à Oradour... 
 
À Lauzès, pendant la Libération, après le débarquement allié, il y avait un maquisard corse qui s’appelait François LECAS Il était du genre un peu fou. Il habitait chez les parents de Jean LANGLÈS, dans l’actuelle maison d’Albert LANGLÈS notre cousin (maison TIXIER puis actuellement DUFOURD). 
 
Il cachait ses grenades sur l’évier en pierre au sous-sol. Il avait une voiture réquisitionnée au boucher de Lauzès monsieur RICHARD : une Citroën 11cv U. Elle était bleue. Il y avait accroché un drapeau bleu-blanc-rouge.
Les Allemands n’étaient pas encore tous partis.
 
Jean LANGLÈS lui disait : 
“Arrête François, tu vas faire brûler tout Lauzès avec tes conneries. Cache tes grenades ailleurs, enlève-moi ce drapeau ! Mais l’autre ne voulait rien entendre”. 
Il garait la voiture dans la cour devant la maison ; tout le monde la voyait de la place”.
 
 
Témoignage de Jeanine LANGLÈS :
 
Le 11 mai 1944, ils cherchaient Albert LANGLÈS le frère de mon père qui était parti pour "la relève" dans le but de faire libérer mon père prisonnier en Allemagne. Albert était venu en permission mais il avait “oublié” de repartir. Mon père le cachait depuis des mois. Ce jour-là heureusement il n’y était pas parce que les Allemands ont fouillé tout le village.
 
lI avait sûrement été dénoncé. Ils ont fouillé la grange où il se cachait d’habitude. Ils sont venus à la maison et ont volé la montre que mon père avait sauvée des camps de prisonnier en la cousant dans la doublure de sa veste. Ils ont cassé la TSF. 
 
Ils ont emmené mon père sur la place et l’ont mis devant la porte de chez DABLANC, la mitraillette sur le ventre : 
“Où est l’épicerie COURTIOL ?” 
 
Mon père a joué sur les mots, COURTIOL était mercier, pas épicier : “Il n’y a pas d’épicerie COURTIOL”. C’est Madame FABRE l’épicière qui lui a sans doute sauvé la vie en désignant la maison COURTIOL. Les Allemands sont allés fouiller la maison en question en abandonnant mon père. Les Allemands étaient mauvais, mais les pires c’étaient les Miliciens”. 
 
J’allais à l’école à bicyclette à Cahors avec une amie. Nous accélérions quand nous passions à la Carderie, nous avions peur car au bord de la route il y avait un camp d’Annamites misérables et très sales. Ils faisaient du charbon de bois.
 
Les maquisards envoyaient des “avertissements” aux collabos pour leur faire comprendre qu’ils étaient repérés : des petits cercueils avec un court texte explicite. La rumeur se répandait.
 
Tout le monde les connaissait. En général l’avertissement était reçu 5 sur 5. 
 
À la Libération, l’intervention des responsables de la Résistance a évité bien des règlements de comptes expéditifs. 
 
Des "certificats de résistants", de complaisance, ont sauvé bien des vies de gens soupçonnés de "collaboration". 
 
La "collaboration" n'est pas la même selon qu'on parle sous la menace d’une arme ou qu'on devance les questions. Qui peut dire aujourd'hui qu'il ne cèderait pas aux brutes nazies, avec une épouse et des enfants à la maison..."
 
 
Le sort de Francis COURTIOL selon François SAUTERON 
(nda : ”Deux beaux salauds” éditions l’Harmattan 2011 - livre sur HERCULE et ISANOVE, traîtres du maquis)
 
Après son arrestation à Lauzès, nos témoignages, locaux affirmaient que Fran-cis COURTIO avait été libéré le 11 mai, sur intervention de l’instituteur René LÉONARD de Sabadel, après interrogatoire, au lieu-dit ”La Capelette” de Sabadel.
 
François SAUTERON propose une autre version plus vraisemblable.
 
Francis COURTIOL aurait été contraint de suivre HERCULE, les deux journées du 11 et 12 mai dans son périple meurtrier, avant d’être emprisonné à Montauban avec les autres otages. 
 
 
Extraits concernant Francis COURTIOL : 
 
"Vers midi, à Pech Meyrat (Pech Mayres), chez les COUDERC, HERCULE retrouve Francis COURTIOL qui n’avait pas 15 ans et étudiait à l'école technique de Souillac. Il l’avait connu au maquis de La Vacancière (nda : Ce maquis est inconnu, ce pourrait être Lavercantière, sous toutes réserves, car, s’il y a bien eu une opération ”anti-maquis” de la milice en juin 1943, il n’y a pas eu de résistance organisée, à cet endroit. En outre, Francis COURTIOL était trop jeune pour être accepté dans les maquis).
 
- ”Maintenant tu es mon prisonnier. Où est Philippe ?
- Je ne sais pas”. 
 
HERCULE n'avait pas pu se retenir de le gifler violemment. 
 
Les Allemands chantaient dans les camions, et puis ils se mirent à tirer des coups de mitraillettes un peu partout, sur les animaux aussi, tuant poules, moutons, vaches…
Ils se rendirent chez les parents COURTIOL, à Lauzès, maison que connaissaient bien HERCULE, pour y avoir réalisé des liaisons quand il était au maquis. 
Ils fouillèrent tous les bâtiments. 
 
”Vous avez des revolvers, dites-moi où ? Sinon j'emmène votre fils en otage. Et le deuxième dépôt d’essence ?” 
 
Gabriel COURTIOL restant muet (Il s’agissait de Gabrielle COURTIOL, épouse d’Ernest, mère de Roland, Lucien et Francis.), ils embarquèrent le jeune Francis.
 
Il rejoignit dans le camion deux espagnols, le fils CAMINADE et son domestique. Et voilà le nain se saisissant de CABELLO-CARPI (CARBELLO-CAPRI) par la jambe pour qu'il descende du véhicule. 
 
”Où est le dépôt ?”. 
 
CABELLO se taisant, HERCULE le roua de coups. Tout sanglant, il ne desserra pas les lèvres. Alors l’autre, fou furieux donna l’ordre de tuer ce père de trois enfants. On retrouva son corps dans le bois une dizaine de jours plus tard, tête et bras coupés. Le second espagnol indiqua l’endroit où se situait une cache. 
 
À 300 m de la ferme, ils découvrirent effectivement quatre containers d'armes au lieu-dit ”le Bois Grand”. Il y avait là 20 fusils, cinq mitraillettes, et beaucoup de munitions. HERCULE fit porter par les jeunes raflés tout cet armement dans le camion. 
Il était partout, le nain, cynique et arrogant. Sur son ordre, les Allemands incendièrent la ferme Malaterre. N'avait-il pas indiqué lui-même aux nazis que le lieu de réunion des Résistants se situait là ? "
 
En réalité, CHAPOU n'y avait séjourné que quelques jours en août 1943.
 
Sur Malaterre, le récit ci-dessus de François Sauteron diverge des témoignages que nous avons recueillis localement. Francis COURTIOL a été arrêté à au bourg de Lauzès, Joachim CARBELLO-CARPI aurait été tué à Malaterre en essayant de quitter les lieux derrière son troupeau…
 
"Le bourg de Lauzès fut cerné des 6 heures 30, les gendarmes désarmés, la po-pulation regroupée sur la place, les maisons pillées. La veuve Jeanne MONCOUTIÉ, 50 ans, sa grande fille Berthe qui menait leurs moutons paître, furent tuées ainsi que Jeanne VERTUT, 20 ans (nda : Il y a une confusion : Jeanne MONCOUTIÉ 50 ans, était née VERTUT. Sa fille s’appelait Berthe MONCOUTIÉ 20 ans. Jeanne MONCOUTIÉ et Jeanne VERTUT sont la même personne.), et un peu plus loin, Adrien (Abel) LALO, 56 ans, qui se rendait dans son jardin, périt lui aussi d'une balle entrée dans la nuque et sortie dans la ré-gion frontale. 
 
Trente hommes furent arrêtés…
 
[…] Au soir du 11, HERCULE se trouvait à Assier avec Francis COURTIOL : 
 
- ”Si tu me tues tu touches 100.000 Fr. C'est Philippe qui a mis ma tête à prix”.
Il montra sur sa veste une décoration rouge et noire : 
- ”Je l'ai gagnée en vendant le maquis”. 
Ils passèrent la nuit à Assier puis à l’aube. 
HERCULE rejoignit le chef de colonne : 
- ”Direction Figeac”.
 
Là, COURTIOL fut mis dans un coin de la cour de la gendarmerie. 
 
Plus tard arriva ISANOVE accompagné d'un blond en culotte de cheval qu'il appelait Maurice…
 
(Lors de séances de tortures à Montauban, HERCULE fulmine : il a perdu un précieux carnet où il note tous les renseignements qu’il fournit aux SS !)
[…] Là-dessus, cris et hurlements, son fameux carnet avait disparu. Il en bavait de rage. 
 
- ”Je donne deux heures pour me le restituer, sinon je fais fusiller 24 d'entre vous parmi les plus jeunes, et tous les juifs”. 
 
Il fit placer à l'écart Francis COURTIOL, Le plus jeune âgé de 15 ans seulement, le premier à être fusillés avec un autre de 16 ans. Il était hors de lui, arpentait le manège en répétant : 24 ! 
Tout en montrant certains du doigt. 
 
Enfin, un Allemand lui rapporta le fameux carnet en riant. Il l’avait retrouvé dans un des WC à la turque, où HERCULE l’avait perdu. Un peu humide, Le carnet, et un peu odorant !
 
Et voilà que n’en pouvant plus, après deux de séance de torture, Joseph VISENTINI de Lacapelle-Marival, essaya de se suicider on se tranchant la gorge avec son couteau. HERCULE cria :
 
- ”Si pareil cas se renouvelle je ferai fusiller 200 d'entre vous, compris ? D'abord les plus jeunes !” 
 
Bien entendu Francis COURTIOL se retrouva du nombre…
 
[…] HERCULE devait quitter Montauban pour Toulouse :
 
”Avant son départ, HERCULE libéra Francis COURTIOL, qui avait vraiment l’air d’un gosse”.
 
 
Georges DUVEAU
 
Clara MALRAUX avait eu une vie mouvementée avec André MALRAUX. Ils s'étaient séparés... quand il eût fini de dilapider la fortune de son épouse dirent les méchantes langues. 
Clara MALRAUX, juive, devint résistante à Toulouse. En 1940, elle errait avec sa fille Florence dans la France occupée, à la recherche d'un endroit sûr. Sur les conseils de Georges DUVEAU, elle fit escale quelques mois dans le Lot, comme de nombreux écrivains en fuite. Georges DUVEAU, François FEJTÖ, Clara MALRAUX et de nombreux écrivains, collaboraient à la revue ESPRIT.
 
Sans le savoir, Lauzès et ses environs immédiats virent passer une bonne partie de l’élite intellectuelle parisienne fuyant le nazisme. 
 
Clara avait 45 ans, Florence née en 1933 un peu moins de 10 ans.  
 
À la signature de l’Armistice de juin 1940, les intellectuels juifs et les antifascistes cherchèrent refuge dans le sud, en zone ”libre”, hors de la zone occupée.
 
La zone dite ”libre” restait sous administration de Vichy, collaborateur zélé de l’occupant. Elle sera occupée en novembre 1942 quand les Alliés débarqueront en Afrique du nord (Algérie et Maroc).
 
 
Georges DUVEAU, écrivain, philosophe et sociologue, co-fondateur du ”Mât de cocagne” (Cahors) et de ”l’Œuf dur” (Paris), était collaborateur de la revue "ESPRIT" à Paris. Il possédait une maison de famille à Lauzès (près de la maison David - nda : La mère de Georges DUVEAU, Maria, Hortense SERRES était originaire de Lauzès.), où il résida de 1927 à 1931, quand il enseignait au Lycée Gambetta de Cahors. 
 
Il avait installé François FEJTÖ au Pech Delluc avec sa famille (nda : François JUBIN médecin et résistant qui vient d'échapper à la descente des Allemands à Lauzès le 11 mai 1944, lui confiera son épouse enceinte et sa fille, avant de leur trouver un point de chute à Nabirat près de Gourdon.), et lui avait trouvé un emploi à Cahors où il donnait des cours... d'allemand à des filles de réfugiés Alsaciens. 
 
FEJTÖ le secondait dans ses recherches.
 
DUVEAU était un intellectuel éminent. Il fréquentait les milieux littéraires parisiens. Il avait beaucoup de relations à Cahors où il avait enseigné.
Par l'intermédiaire du directeur de cabinet du préfet (Jean LAGRIVE résistant fusillé par les nazis), il faisait protéger FEJTÖ et sa famille. 
 
Les gendarmes étaient chargés de le prévenir en cas de rafle par les Allemands. FEJTÖ n'apprendra qu'après la Libération la disparition de presque toute sa famille paternelle en Hongrie, déportée dans les camps de la mort par les nazis. 
 
Dans le Lot il était en sécurité. Il y restera jusqu'à la fin de la guerre : 
"Autour de nous, les paysans ne savaient même pas ce qu'était un juif. Ils ne savaient pas que nous l'étions, alors que nous partagions leur vie”.
 
DUVEAU fit venir Clara MALRAUX et sa fille, ainsi que d’autres opposants à HITLER, qui fuyaient la zone occupée. Il leur trouvait un hébergement. De nombreux intellectuels parisiens transiteront par Lauzès, sur le chemin de l’exil.
 

Photographie de Rosie REY (1939) montrant, de gauche à droite, André Gide, avec chapeau et lunettes, souriant, Clara Malraux, une personne de dos (?), Komatz Kyo, et Georges Duveau, lors d'une projection du film La Symphonie pastorale en japonais, réalisé par Satsuo Yamamoto en 1938, le 4 mai 1939.           

            N.B. Il existe peu de photographie de Georges Duveau. J’ai eu la chance de trouver sur internet ce document exceptionnel, qui réunit Clara MALRAUX et Georges DUVEAU en compagnie d’André GIDE.

 

 


 

à suivre... épisode  3 - Sabadel-Lauzès
Suivant les indications données à la Division Das Reich par HERCULE sur l’ordre de mission, les Allemands cherchaient la forêt de Gruat-Sarl et un maquis d’espagnols rouges qui disposeraient d’un camion citerne de 18.000 litres d’essence piégé en cas d’attaque et d’une cache d’armes....