épisode 5 - Saint-Martin-de-Vers - Saint-Cernin

Rédigé le 06/06/2023
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La résistance dans les cantons de Lauzès

épisode 5 - Saint-Martin-de-Vers - Saint-Cernin
(Les Pechs-de-Vers)


 
SAiNT-MARTiN-DE-VERS
(Les Pechs-de-Vers)
 
 
Le maquis trouve un appui logistique (ravitaillement et assistance) auprès de Louis Garrigou radical-socialiste et Conseiller Général du canton de Lauzès qui habitait le colombier
(Ombres et espérances en Quercy - Éd. La Bouriane - février 2005).
(à ne pas confondre avec Marcel Garrigou résistant).
 
 
Témoignage de M. BRU
 
Sur les foires de la région il y avait un homme qui vendait toutes sortes de cordes depuis de nombreuses années. Il venait avec son épouse. Sa femme ne disait jamais rien, elle tenait la caisse.
Lui parlait beaucoup. Il se disait auvergnat. 
Il avait l’habitude de s’arrêter à Soulomès pour manger avant de repartir. 
Un jour, pendant la guerre un homme en uniforme est rentré au restaurant de Soulomès. C’était un uniforme allemand ou de la Milice. Il a dit à la patronne en patois : “Me tournas pas counessé ?” (Vous ne me reconnaissez pas ?). La patronne a dit non.     Il a enlevé sa casquette : c’était le marchand de corde. Il parlait aussi couramment l’allemand que le patois. 
Nous on habitait à Toulouse. On ne sait pas grand chose. On avait de la famille à Saint-Martin, mais on ne venait pas souvent dans le Lot, les voyages coûtaient cher. Et puis il y avait le risque de se faire confisquer les denrées et de se voir accuser de marché noir. Ce qu’on peut dire c’est que tout le monde mourrait de faim en ville. Je me souviens avoir récupéré des cardes de choux-fleurs que des gens avaient jetées tellement on avait faim”.
 
 

SAINT-CERNIN
(Les Pechs-de-Vers)
 
 
Témoignage de Firmin Marcenac né le 15/08/1924 à Saint-Cernin :
 
 
À Saint-Cernin il n’y a pas eu de coup de main des maquis, mais il se passait des choses. Il y avait des armes cachées au cimetière, dans le caveau du Maire de Saint-Cernin Amédée RAFFY. Il y avait des maquisards et des grands amis des maquisards. Il y avait M. COULÈS. Élie COULÈS était agent de liaison, il portait les messages pour le maquis. 
   Dans le coin il y avait le maquis de Dantonet, cantonné dans l’ancienne gendarmerie, du temps de la gendarmerie à cheval, celui de Caniac-du-Causse. Il y avait DUMAS de Calamane, le Préfet des bois (il était lieutenant de louveterie) qui avait son PC à Dantonet avec Jean BROUEL notaire à Cabrerets. 
 
Dantonet, c’était la propriété d’Henri DELPECH qui accueillait le maquis. DELPECH habitait la grande maison à côté, le manoir comme on l’appelait.
 Ils ont eu la chance de pas se faire bombarder parce qu’ils avaient des autos partout. Il y avait réquisitionné plein de voitures qui n’étaient pas cachées. Ça s’est passé après le débarquement, heureusement les Allemands avaient d’autres soucis à ce moment.
 
Les Allemands ne sont pas venus à Saint-Cernin même s’ils sont venus tout près. Il y avait un homme qui vendait tout ce qui pouvait se vendre, à tout le monde, M. LAPERGUE. Il avait de bonnes relations avec le maquis , et avec tout le monde, même avec les Allemands. Il disait en plaisantant qu’il était “pognoniste”. C’était un homme très intelligent et un brave homme. À Saint-Cernin il y avait un gars un peu douteux qui habitait un logement de fonction à Saint-Cernin ; il venait d’un autre village. Un jour trois maquisards sont venus chez LAPERGUE pour lui dire qu’ils venaient “s’occuper” de lui. Appelons-le BR… C’était était un cousin de BÉRENGUIER délégué départemental à la propagande de Vichy. LAPERGUE était un homme habile et bon. Il les a invités à casser la croûte. Et il a demandé à sa bonne dans l’arrière-cuisine “ Passe par la porte du jardin, cours vite chez BR..., dis-lui qu’il se sauve, qu’il se sauve tout de suite, parce qu’il se sauve pas il est pris”. Alors BR… a écouté et il s’est sauvé, et quand les maquisards sont arrivés il n’y avait plus personne”.
- On m’a dit qu’il y avait beaucoup de Juifs qui se cachaient dans le Lot pendant la Guerre ?
“C’est vrai. Il y avait des Juifs Hongrois à Pech Delluc. Il s’appellaient Feteu, Feyt ? On les connaissait bien car ils venaient beaucoup chez nous à la Cabanière. 
 
 
Ils se sont sauvés, ils se sont bien sauvés. Ils étaient gentils. Ils ont vécu ici jusqu’à la libération. Ensuite ils sont partis à Paris, lui avait un poste important chez Havas. 
 
Ils ont vécu dans une maison à moitié en ruines à Pech Delluc. C’étaient des gens intelligents, ils parlaient plusieurs langues.
Les Allemands ont beaucoup circulé sur le Causse. Ils se sont embourbé un jour sur la route de Figeac. ils sont allé chercher un agriculteur avec ses boeufs et il y est allé. Ils ont été très polis, c’était à Lentillac.
Je me souviens c’était au début de l’occupation de Cahors. Nous étions partis avec Josime DELSAHUC qui était une tête brûlée incroyable, nous devions avoir 18 ans. On était sur le boulevard Gambetta à Cahors. On marchait derrière deux officiers allemands. Tout à coup Josime comme un con s’est mis à imiter les Allemands qui marchaient devant nous en “baragouinant” comme eux. J’ai fait comme lui. Les Allemands se sont retournés, ils nous ont jeté un oeil noir, puis ils ont haussé les épaules et ont continué leur chemin. 
Nous étions fous. 
À Lauzès vous aviez un autre ”falourd”, il s’appelait Camille FOURCADE il habitait entre la boulangerie et l’église. Il était de Moujargues et il était allé au maquis de Vialolles. Ensuite il est parti à la Pointe-de-Grave où il y avait une ”poche” d’Allemands qui s’étaient retranchés. Là-bas il s’était lié d’amitié avec un homme qui est devenu Ministre par la suite BOURGÈS-MAUNOURY. C’était un brave garçon mais une tête brûlée lui aussi. Un jour il s’est fait arrêter par la police à Cahors parce qu’il avait bu. 
Les policiers ont trouvé une lettre du Ministre dans sa poche, ils l’ont laissé repartir sans rien lui dire.
Moi j’avais un cousin qui était allé à la Pointe-de-Grave Jean MARCENAC de Cabrerets. C’était un ami de Roger CONTÉ. Comme lui j’avais été réquisitionné pour le STO, mais on a trouvé un prétexte pour moi, on a dit que j’étais indispensable et on m’a donné un sursis pour 3 mois. J’étais un peu inquiet parce que je ne recevais pas le sursis. Un jour je suis allé à la préfecture pour savoir. 
 
C’était la première fois que j’y rentrais. J’ai monté un grand escalier et j’ai rencontré un homme très gentil qui a cherché sur les registres. Et en effet il m’a trouvé mais il m’a dit qu’ils n’avaient pas donné de suite. Je ne sais pas si j’étais mal noté...?”
- À Lauzès il y a un vrai héros, c’est Jean CUESTA.
“Il était au maquis de Caniac. Il ne voulait plus retourner en Espagne. Il parait qu’il avait fait un attentat là-bas, il aurait jeté une grenade dans une réunion où il y avait plein de gens réunis pour Franco. Depuis il serait recherché là-bas”.
- On m’a dit que la fille d’André MALRAUX aurait habité à Sabadel pendant la guerre.
“C’est exact. Et même André MALRAUX y a habité. Il était chez CAPOULADE qui habitait d’abord à l’école puis à l’ancienne caserne de gendarmerie. C’est une très grande maison. On l’appelait la caserne, parce qu’elle avait remplacé la caserne de Dantonet, avant que ne soit construite la caserne de gendarmerie de Lauzès. Ensuite CAPOULADE est parti à Vers.
 
À l’école il y a eu CAPOULADE puis LÉONARD, puis PAGANEL puis Mlle SINDOU.
CAPOULADE était officier pendant la guerre de 14. Il avait comme ordonnance un Marcenac de Tour-de-Faure qui était un cousin de mon père. 
J’ai aussi connu André BRETON. C’était un soir à Saint-Cernin après la guerre en 50/51. On est allé boire un coup avec des amis. Il y avait des amis à eux qu’on ne connaissait pas. 
 
 
À l’époque il y avait eu un accrochage très sérieux entre André BRETON et Abel BESSAC de Cabrerets (Député du Lot) qui s’occupait de la grotte de Pech Merle. BRETON avait contesté l’authenticité des peintures de Pech Merle. Il avait commencé à effacer un dessin de mammouth. BESSAC était vif comme la poudre et il avait manqué de lui casser la gueule. Le journal avait publié la photo d’André BRETON. je l’avais donc reconnu. Nous en avons ri. Ensuite il venait me voir tous les ans. Sa femme aussi a continué à venir pendant sept ou huit ans elle s’appelait Elsa (Firmin MARCENAC était brocanteur).
Une dame dont j’ai oublié le nom et qui est morte maintenant avait servi les MALRAUX à table à Sabadel. C’est ce que m’avait raconté la maman d’Odette (mon épouse). Il y avait beaucoup de réfugiés dans toutes les familles un peu partout. 
À Saint-Cernin comme partout ailleurs il y avait des gens qui faisaient l’éloge de Pétain, mais on ne peut pas dire que c’étaient des “collaborateurs”. On les méprisait un peu mais c’étaient des braves gens. Pétain en capitulant a sûrement évité un bain de sang. Si la guerre avait continué, on ne sait pas ce qui se serait passé. C’est vrai qu’après, Pétain a trompé les gens. 
Il y avait des gens qui “trafiquaient” un peu. 
Il y un agriculteur qui vendait des agneaux au marché noir et aux Allemands. Un jour les maquisards ont décidé de lui faire peur et de lui donner une leçon. Ils ont attendu un abattage et ils ont “intercepté la marchandise avant livraison”. Le type en question n’a pas porté plainte. Les autres se sont partagé le butin.
Au maquis de Vialolles il y avait Jean GERVAIS de Lentillac. Il était de garde la nuit. Arrive un Espagnol de Sabadel qui connaissait pas le mot de passe. Tu ne passeras pas lui dit GERVAIS. Tu es fou, laisse-moi passer tu me connais bien... Mais GERVAIS avait des consignes. L’Espagnol insiste. 
 
GERVAIS était un brave garçon, il y avait pas plus brave que lui mais il avait des consignes strictes. Et clac ! iI lui tire dessus et le blesse au bras. Il ne l’a pas tué, il l’a blessé sans gravité. Je pense que l’Espagnol a eu une pension pour cette blessure. GERVAIS avait fait son devoir, mais GERVAIS a été très affecté par cette affaire, il a été complètement démoli.
À Lauzès, après la guerre il y a eu l’échange des billets. Il y avait cet échange parce qu’il y avait beaucoup de faux-billets en circulation, parachutés par les Américains pour démolir l’économie allemande et vichyssoise. Ça a duré trois semaines. Nous étions trois ou quatre jeunes réquisitionnés pour garder la perception et la poste 24h sur 24, deux ou trois fois par semaine. 
On était entre jeunes, on rigolait bien. La nuit il était interdit à toute voiture de passer. Une nuit j’étais de garde. Arrive une voiture une B.14, c’était Adrien MÉRIC Il montait à toute bombe. Moi avec mon fusil je me place au milieu de la route sous les lampes. Je me sauve de justesse sur le côté, il allait me passer dessus. Je me suis mis à gueuler, ceux qui étaient au-dessus à la poste aussi. Il a fini quand même par s’arrêter. Je l’engueule :” Pourquoi tu t’es pas arrêté, je devais te tirer dessus”. On s’engueule un peu. Là-dessus, les gendarmes arrivent. 
 
Et c’est moi qui me suis fait engueuler parce que je n’avais pas tiré. “Tu devais tirer, dans les roues ou quelque part, mais tu devais tirer”. Ce devait être en 1947. On faisait passer les gens à tour de rôle à la Poste ou à la Mairie. Il y en avait qui arrivaient avec des pleines valises de billets. On montait la garde parce qu’il y avait une fortune dans les bureaux qui effectuaient les échanges”.
- Mais pourquoi il y avait cet échange de billets ?
“C’est parce qu’il y avait trop de billets, et que les Américains avaient largué de la fausse monnaie, l’argent avait perdu toute valeur”.
 
(Le 25/01/1948 il y a eu un échange obligatoire des billets de 5.000 F, suite à une dévaluation de 80% de la monnaie - les billets étaient quasiment sans valeur, il fallait plusieurs billets pour acheter du pain).
 
 
Témoignage de Claude Laborie né à Saint-Cernin :
 
J’étais jeune je n’ai pas beaucoup de souvenirs de l’époque. Je sais qu’un jour plusieurs habitants du village devaient partir à Malaterre faire du pain pour les maquis. Les maquisards de Malaterre (communistes) attendaient un habitant de Saint-Cernin B…, dont le frère (cousin) collaborait à Cahors pour lui “poser des questions” , je ne sais pas sur quoi. LAPERGUE lui a dit : “reste-là, on y arrivera sans toi”. Le gars est resté, il lui a peut-être sauvé la vie. J’ai connu d’anciens résistants qui m’ont expliqué qu’ils avaient choisi de laisser tomber. Ce n’était pas facile, car, soit on passait pour un traître soit on passait pour un dégonflé. Ils ne s’entendaient pas, ils n’étaient pas d’accord entre eux sur la politique ou sur les actions à mener. Par exemple, certains craignaient les représailles sur les villages alentour quand ils faisaient des coups de main. Il faut se méfier des témoignages d’aujourd’hui, parce dans la région, il y a beaucoup d’homonymes, et avec le recul certains font des amalgames entre personnes portant le même patronyme de villages différents, accusant des gens à tort”.
 

 

 

à suivre... épisode 6 - Arcambal

"En me basant sur les dessins des maquisards du livre de G. CAZARD et M. METGES ”Capitaine PHILIPPE”, après plusieurs semaines de recherches, j’ai pu retrouver l’emplacement du premier maquis de CHAPOU."