épisode 2 - Cabrerets - Cras

Rédigé le 17/05/2023
la mairie

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 Source Quercy.net / 8 juin-20 juin 44, la Division Das Reich

8 juin-20 juin 1944, la Division Das Reich – Quercy.net


Rappel / pour retrouver l'épisode 1 - Introduction :  Les ”Va-nu-pieds de la liberté” facilement, c'est ICI / épisode 1 - Les "Va-nu-pieds de la Liberté" (lauzes.fr)

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La résistance dans les cantons de Lauzès

épisode 2 - Cabrerets - Cras

 

 


Cabrerets

Les allemands envahissent la zone sud le 11 novembre 1942.

Ordre de mission donné à la division Das Reich le 10 mai 1944 :

OBJECTIF N°2 : CABRERETS-LAUZES, à 14 km au S.-E. de Blars. Dans la forêt de GRUAT-SARL se cache un maquis de 150 communistes espagnols. Ces maquisards pourraient se terrer dans les grottes. 
Ces Espagnols possèdent une citerne d'origine américaine contenant 18.000 litres de carburant. Cette citerne est à environ 2 km du camp, sous la surveillance d'une sentinelle. En cas d'attaque du camp, la sentinelle a pour consigne de mettre le feu à une mèche de deux mètres de long reliée à une charge de plastic.
Unité désignée: un détachement de Waffen SS.
Adjoint: Hauptscharführer SS JENSEN.
Informateur : ROY (LEROY alias HERCULE).
Renseignements sur cet objectif à prendre en compte durant l'opération : La maison dans laquelle les terroristes se réunissent chaque jour, de 10 heures à 11 heures et de 20 heures à 22 heures, est toujours placée sous la surveillance de six terroristes équipés de mitrailleuses en plus des mitraillettes. Le chef des terroristes est appelé PHILIPPE. C'est un ancien professeur du lycée de Cahors.

Extrait d'un témoignage du 15/02/2007 émanant du Musée de la résistance de Cahors concernant CABRERETS :
 ”Le 11 mai 1944, 2 hommes y seront arrêtés, une ferme sera brûlée et de nombreuses maisons pillées. L'un de ses habitants, Carbello-Carpi, sera tué à Malaterre au sud de Lauzès, sur la commune de Cabrerets”.
 
Le maquis CHAPOU séjournera peu de temps mais à de nombreuses reprises sur le territoire de la commune de Cabrerets très propice aux planques. 
Tout près de là à Lauzès, il savait pouvoir compter sur la fidélité sans faille d'Ernest COURTIOL communiste, et de toute sa famille établie à Bourbous, un hameau tranquille à l'écart du village. 
Au gré de ses nombreux changements de caches, en août 1943, son maquis se rend à la Grotte de Montclar au-dessus de Cabrerets (forêt domaniale de Montclar), une position stratégique qui domine la vallée du Célé. Il séjournera aussi à Dantonay (siège de l'ancienne gendarmerie à cheval), en face dans les grottes de Roc Courbié au Gruat, à Malaterre, au Bois-Grand, dans les grottes de l'Iffernet près de Saint-Géry. 
La grotte du Bois-Grand servait de cache d’armes et de réserve de nourriture “en cas de pépin”.

 

Témoignage de Roger CONTÉ né le 21 mars 1923 à Cabrerets
Ancien boulanger de Cabrerets, résistant des groupes “statiques” Vény :

 
J’ai été convoqué le 6 avril 1944 pour partir au STO. J’ai refusé et suis parti dans les bois.
 
J’ai travaillé dans une exploitation forestière.
 
D’ici nous sommes partis à cinq. Il y avait un très jeune juif de 17 ans BERTRASSER, un Lorrain Georges DOLMAR de la famille de RICHARD le charcutier, Pierre FAURIE des Igues, Jeanot MAUREL de Fargues et moi-même. BERTRASSER habitait en face de la poste ; ce gamin n’avait peur de rien c’était un garçon calme mais il avait un courage extraordinaire !
 
Nous sommes partis à Pechgarié (ou Pechgourié), les gendarmes de Saint-Géry nous ont rejoints et d’autres hommes de Lentillac et d’ailleurs que je ne connaissais pas. Nous y sommes restés jusqu’à ce que JUBIN ait été tué en Juin 1944.
 
C’est à ce moment là que sont apparus Paul (DUMAS de Calamane) qui est devenu le Préfet des bois à la Libération, FÉLIX (de l’Aveyron) et Marcel (Jean BROUEL de Cabrerets). Nous avons été assignés sur place comme “statiques” avec Jean MARCENAC et PERTUZAT l’ancien Maire. Ont nous a donné des armes que nous avons cachées à la Grotte du Curé en montant à Pech Merle à gauche. À Cuzals il y avait le parc auto avec Basile LAGARRIGUE. Mon beau-père a été pris par les Allemands, je lui ai fait parvenir une fausse carte d’identité.
 
Ensuite les autres sont partis libérer la Pointe-de-Grave près de Bordeaux. J’ai été malheureux, je voulais partir avec eux. Mais BROUEL et PERTUZAT m’ont dit (ordonné) de rester à Cabrerets, que j’y étais réquisitionné pour faire le pain et ravitailler la population. 
 
À Cabrerets du temps de JUBIN il n’y a pas eu d’opérations. Il était “attentiste”.
 
Je n’ai pas eu de contact avec le maquis de CHAPOU, sauf pour le ravitaillement, CONQUET descendait chercher du pain pour ses hommes quand ils étaient à la Grotte de Montclar.
 
Ensuite BROUEL et PAUL avaient établi le PC du 5ème bataillon à l’hôtel à Cabrerets, chez Mme ROUQUIER. C’était un hôtel-restaurant qui n’existe plus : l’hôtel des Touristes. Dans le coin, Gabriel LABROUSSE, Maurice CAMINADE et son berger, l’ancien Maire de Sauliac Jeantou NADAL et Lucien COURTIOL de Lauzès, ont été déportés le 11 mai 1944”.
 
Le 11 mai 1944, tandis qu’un section occupe Lauzès, une partie de la Division Das Reich, très bien renseignée arrive à Cabrerets tôt le matin.
 
Leur informateur “HERCULE” leur a signalé un maquis bien organisé aux abords d’une ferme isolée à Malaterre, sur le territoire de la commune. Il y aurait une cache d’armes piégée.
 
Les Allemands regroupent la population sur la place. Malaterre est à plusieurs kilomètres, tout près de Lauzès. La position précise du lieu-dit n’est pas connue des habitants de Cabrerets, d’autant que la cache des réserves du maquis se situe dans une grotte au coeur de l’immense forêt du Bois-Grand. 
 
Il faut y arriver directement pour créer l’effet de surprise, sous peine de voir les “terroristes” s’envoler.
 
Ils emmènent en otage avec eux Gabriel LABROUSSE en direction du hameau le plus proche de Malaterre : Merlan. Là ils embarquent Maurice CAMINADE un fermier de Merlan qui travaillait sur son toit et son domestique de 14 ans Jean BERNISSANT. Tous les trois seront déportés. Le jeune berger n’en reviendra pas.
 
Sous la menace ils se font conduire à la ferme de Malaterre, où “HERCULE” a dénoncé des maquisards et une cache d’armes.
 
Sur place ils tuent un républicain espagnol Joachim CARBELLO-CARPI 40 ans. On ne retrouvera son corps que deux semaines plus tard le 30 mai, en partie dévoré par les animaux sauvages. Il sera enterré à Lauzès.
 
Le métayer LINO et sa femme ont-ils eu le temps de s’enfuir ? Ont-ils été emmenés par les Allemands, ont-ils été éliminés ? Nul n’aura plus jamais de leurs nouvelles.
 
D’après plusieurs témoignages dignes de foi dont celui de Jean CUESTA républicain espagnol du maquis de Caniac-du-Causse, au moins deux espagnols ont trouvé la mort à Malaterre ce jour-là. Malgré des recherches dans les cimetières et dans les registres de décès des communes alentour, nous ne retrouverons pas la trace de ce deuxième résistant espagnol assassiné. Était-ce LINO, sa compagne, voire les deux ? 
 
Un tumulus pourrait cacher des corps.
 
Mais les Allemands emmenaient fréquemment leurs otages, les torturaient, les tuaient et les jetaient dans un fossé où dans une rivière.     Un autre témoignage confirmera qu'il y aurait bien eu un deuxième mort espagnol à Malaterre, autre que CARBELLO-CARPI. 
 
À la Libération, un collabo du canton aurait été exécuté par les maquis à Malaterre et enterré sur place au coin de la grange... ?
 
La grotte du maquis, particulièrement bien cachée au coeur du Bois-Grand, servait de cache d’armes et de réserve de nourriture pour les moments difficiles. Nous l’avons retrouvée.
 
 
 
Témoignage d’Albert DÔ (né le 1er septembre 1924)
 
Après avoir brûlé la ferme de Malaterre les Allemands sont venus à la ferme du Lac Nègre. Le pain sortait du four. Ils se sont installés dans la cour et ont fait bombance tout l’après-midi avec notre pain frais et les provisions récupérées à Malaterre dont un tonneau de vin.
 
Ils étaient complètement saoûls. Ils ont emporté tout le pain en partant.
 
Avec deux amis dont RIGAL de Pechpicou réfractaires au S.T.O. comme moi, nous étions en train de tailler la vigne de BRUGIDOU un peu plus bas quand ils sont arrivés. Nous les avons entendu arriver, nous sommes partis nous cacher dans les bois. 
 
- On m’a parlé de la grotte du Bois-Grand, vous la connaissez ?
- J’ai déjà vu la grotte, je l’ai vue plusieurs fois en allant à la chasse. Elle était au fond d’une petite combe en face du chemin des Garroustes. Autrefois on ne passait pas par la route actuelle ; il y avait un chemin qui traversait le Bois-Grand, on l’empruntait pour aller à Lauzès. Il longeait un mur de pierres. C’était à deux ou trois cents mètres de ce chemin”. 
 
 
Témoignage d’Odette DÔ épouse d’Albert
 
 “Mon père avait été gravement blessé à la guerre de 14.
 
Nous étions venus habiter à Tregantou chez une tante. On manquait de tout c’était difficile de vivre à la ville. Le soir on écoutait la TSF, Radio-Londres tout doucement. On collait l’oreille sur le poste. Mais le brouillage des Allemands était tellement fort qu’on n’entendait rien. Et puis tout était codé.
 
On avait peur dès qu’on voyait un uniforme Allemand, on ne savait pas comment ils pouvaient réagir. On avait très peur de la Milice. C’étaient des Français, mais on les craignait beaucoup.
 
On se méfiait de tout, même de ce qu’on disait et à qui on le disait. 
 
Mon frère originaire d’Agen, faisait partie des maquis du groupe POMMIÈS. Un parachutage d’armes devait avoir lieu pas très loin. Mon frère est venu me chercher un soir tard. Nous avons roulé pendant une demi-heure (20 km environ, sans doute le parachutage de Peyri à Tour-de-Faure). Nous avons récupéré les armes et il m’a ramenée vers Malaterre au milieu de la nuit en me disant : “surtout tu ne dis rien à personne”. Je suis rentrée seule à pieds dans l’obscurité. C’était je pense, en 1943”.
 
Témoignage de Jean LACOSTE de Ramaille (Cabrerets)
Jean Lacoste est une figure locale, un homme plein d’esprit, très attachant.
 
Je suis né à Cabrerets… je dépends de la paroisse de Vers… et je serai probablement enterré au cimetière de Lauzès (sourires).
 
J’étais enfant à l’époque des faits et je ne m'en souviens pas personnellement, mais mes parents en parlaient souvent. 
 
Quand les Allemands sont venus à Malaterre, un des Espagnols qui s’y trouvait amenait ses vaches à boire au lac un peu plus bas. Il a profité de ça ; il a continué son chemin, il parait qu’il aurait réussi à s’échapper. 
 
Etait-ce Lino ? 
 
Il y avait un parc auto du maquis d’une quinzaine de véhicules à Ramaille, dans le pré entre chez nous et Vialolles.
Un jour un avion est passé à très basse altitude, il a tourné au-dessus de Ramaille. 
Nous avions peur parce que les Allemands avaient un avion-espion. 
 
Une nuit, André MALRAUX a dormi chez mes parents avec un ami (nda : Probablement George HILLER parachuté d’Angleterre, avec qui MALRAUX faisait la tournée du pays dans le but de prendre le commandement des maquis régionaux et de fusionner les maquis VENY du Lot scindés en deux. La fusion s’effectuera,… mais sans MALRAUX, et autour de Jean-Jacques CHAPOU et des F.T.P. communistes, frères ennemis du maquis VENY.)  . Il connaissait Anatole de Monzie qui possédait relais de chasse à Vialolles, à côté d'ici. Mais ce dernier étant absent, il était venu chez nous. 
 
 
On se racontait ça. Mes parents s’en souvenaient de façon très précise parce qu’il avait dit en partant se coucher : “ Réveillez-nous tôt demain matin, à cinq heures, surtout n’oubliez pas parce que les Allemands vont venir...”.
 
Un autre homme aussi est venu à Ramaille un autre jour : le traître des maquis, celui qui était à Caniac-du-Causse…
 
- HERCULE ?
- Oui, c’est ça, HERCULE, lui aussi est venu à Ramaille... mais lui, il n’a pas dormi (sourires)”.
 
 
Témoignage de Madame LACOSTE (épouse de Jean)
 
"Je suis à la retraite, j’étais institutrice à Lauzès.
 
Mon frère habitait à Cras. 
 
Un  jour, le maquis est venu réquisitionner sa moto. 
 
La fille d’André MALRAUX, Florence MALRAUX était réfugiée à Sabadel. Nous étions dans la même classe, celle de M. CAPOULADE. On avait demandé la profession de son père elle avait répondu : écrivain.
 
Le témoignage de Jean LACOSTE est troublant.
 
Il ne peut pas être mis en doute. Je craignais une erreur sur le jour, sur la personne. Jean LACOSTE a confirmé qu'il s'agissait bien d’André MALRAUX et du 10 mai 1944, veille de l’attaque de Lauzès. 
 
C'est un fait. Impossible à inventer. 
 
MALRAUX connaissait les lieux pour avoir séjourné à quelques cents mètres de chez LACOSTE, invité par Anatole de MONZIE à son relais de chasse de Vialolles.
 
De MONZIE, Maire de Cahors, plusieurs fois Ministre, se piquait de littérature. Il avait reçu MALRAUX à Vialolles, comme entre autres écrivains connus : Roland DORGELÈS, Pierre BENOÎT ou DRIEU LA ROCHELLE, des proches de MALRAUX.
 
De MONZIE absent, ce dernier avait demandé l'hospitalité à la famille LACOSTE. Averti du prochain débarquement allié par George HILLER (nda : George HILLER, parachuté à Miers le 7 janvier 1944, cherchait à unifier les maquis ”attentistes” VENY, sous commandement militaire, eux-mêmes en conflit avec les maquis F.T.P. enclins au combat immédiat. Les deux demi-frères de MALRAUX Roland et Claude, d’authentiques résistants, furent arrêtés en janvier et mars 1944 et exécutés ou morts en déportation. Londres espérait que l’auteur de ”l’Espoir” allait réunir les maquis sur son nom.), MALRAUX (nda : MALRAUX qui  avait ”réussi à se faire réformer” en 1923 (il était atteint du syndrome de Gilles de La Tourette), s’était attribué le grade de Colonel en 1944. Il faisait la tournée des maquis du pays déguisé en costume militaire anglais : c’est dans cette tenue qu’il sera arrêté par les Allemands le 22 juillet 1944 à Gramat. MALRAUX, grand mythomane, a rédigé lui-même son dossier militaire, s'attribuant des blessures fictives. Il a prétendu être entré dans la Résistance dès 1940, ce qui est faux selon Olivier TODD, Guy PENAUD et René COUSTELLIER. Clara MALRAUX - comme Olivier TODD le rappelle - prétendait que Malraux était en permanence un escroc génial (source Wikipedia)) intriguait depuis deux mois, accompagné par HILLER, pour prendre le commandement des maquis régionaux, sous le pseudo de son frère déporté en Allemagne : BERGER.
 
Mais les maquis avaient refusé les ”tentatives grotesques” (nda : Maurice Bourgès-Maunoury délégué militaire national des F.F.I. ) de ce "dandy" parisien agité de tics, résistant de la dernière heure, qui avait passé toute la période de la guerre entre la Côte d'Azur, l'Allier, le Cantal puis à Saint-Chamand dans un petit village de Corrèze. 
 
Qui l’avait informé de l’opération de la Das Reich le 11 mai ? 
 
Que faisait-il là ? 
 
Pourquoi n’a-t-il pas averti JUBIN ou COURTIOL, qu’il connaissait pour les avoir rencontrés lors de sa tournée infructueuse des maquis ?
 
À l’instar des autres maquis du Lot, François JUBIN avait rompu le bail avec les ”attentistes” VENY (nda : Les maquis VENY sous contrôle de Londres, ”attentistes”, stockaient les armes parachutées par les Britanniques, tandis que les F.T.P. communistes, désireux de se battre n’en avaient pas ; ce qui occasionnait de vifs conflits allant jusqu’au ”vol” d’armes par les seconds dans les caches des premiers.) , pour combattre avec les F.T.P. communistes de CHAPOU et NOIREAU. 
 
Le 11 mai 1944, leurs chefs devaient se rencontrer à Lauzès, autour de JUBIN, chez COURTIOL pour entériner le départ de CHAPOU. La réunion avait été annulée au dernier moment, NOIREAU ayant un rendez-vous important en Dordogne avec CHAPOU nommé le 7 mai responsable des maquis de Corrèze.
Le 11 mai 1944, trois civils innocents ont été tués à Lauzès. 
 
Lucien COURTIOL a été blessé, arrêté, torturé. Il est mort décapité en déportation.
 
Ces morts auraient pu être évitées si André MALRAUX avait alerté les Lauzèssois.
 
MALRAUX n’était pas "invité" à cette réunion ; mais il en était informé par les services de renseignement très actifs des réseaux VENY, avec qui il était en contact étroit. 
 
Selon le témoignage de Georges CAZARD et METGES dans leur livre, les nazis avaient connaissance d’une réunion ce jour-là à Lauzès : ils avaient mis le village sur écoutes très tôt le matin, puis encerclé le village, et arrêté les gendarmes. 
 
La vaste opération sur le Lot était planifiée de longue date ; elle reposait sur les investigations d’HERCULE, BENONI et ISANOVE (voir ordre de mission), mais les infiltrés ne pouvaient pas savoir qu’il y avait une réunion ce jour-là, encore moins qu’elle avait été annulée.
 
Qui avait informé les Allemands de cette réunion, connue des seuls intéressés ?
 
Seule certitude, ils cherchaient clairement JUBIN et COURTIOL avec l’arrière-pensée probable de tomber sur CHAPOU…  
 
Ce même jour du 11 mai, tôt le matin, le colonel GEORGES (Robert NOIREAU, remplaçant de CHAPOU), en route pour la Dordogne, venant du QG d’Escazals près d’Espédaillac, tombe dans une embuscade allemande entre Aynac et Saint-Céré. Il en réchappe, mais pas son camarade et ami ”Nanou” (Fernand NOUEL), compagnon résistant qui sera tué.
 
 

CRAS
 
 
 
Témoignage de Bernard GUTIERREZ né à Cras
 
Mon père, Fidel GUTIERREZ était républicain basque espagnol. Il avait des responsabilités dans le gouvernement socialiste de la Province de Bilbao. Il avait fui FRANCO.
 
Après avoir été interné à Argelès puis au camp de Gurs près de Pau, il avait été enrôlé dans les G.T.E. (Groupements de Travailleurs Étrangers), à Catus (GTE n° 554). Il travaillait dans les bois avec deux ou trois autres espagnols pour le compte de la société Gazonite de Cahors. Il était chef de chantier. Ils fabriquaient du charbon de bois pour les voitures équipées de gazogène. 
 
Il était ami avec Joachim (Carbello-Carpi) du maquis de Malaterre. 
 
Mon père avec quelques amis, abattait des brebis et des veaux pour nourrir les maquis de Malaterre et allait leur porter quand ils étaient dans le secteur. 
 
Je me souviens qu’un jour ma demi-soeur regardait vers Malaterre (situé en face de Cras, de l’autre côté du Vers) ; elle m’a dit : “Tiens, ils font du pain à Malaterre, ils ont allumé le four j’aperçois de la fumée”
 
C’était le 11 mai, c’était la maison qui brûlait, incendiée par les Allemands. Après nous avons entendu des tirs d’armes. On a dit qu’un espagnol qui était là-bas amenait ses vaches à boire. Il a continué son chemin en espérant s’échapper, mais Les Allemands ont tiré dans le tas, tuant l’homme et les vaches. Il parait que c’était une vraie boucherie. 
 
À la même époque, une nuit, deux Miliciens sont venus frapper à la maison pour demander à mon père de les aider à sortir d’un fossé où ils s’étaient embourbés. Mon père, n’a pas voulu y aller et les a envoyés chez un voisin. 
 
 
Le voisin n’a pas voulu y aller de nuit. Alors ils ont demandé à manger. Ma mère pour “arranger” des relations mal parties, leur a fait une omelette. Ils ont demandé à dormir. Près de chez nous, en-dessous de la route il y avait une maison que nous appelions la maison jaune. 
 
Des maquisards de passage venaient souvent dormir dans cette maison. Elle avait deux étages un qui donnait sur le pré en bas un autre de plain-pied avec la route en haut. 
Les Miliciens ont dormi en haut. Cette nuit-là, des maquisards dormaient en bas alors que les Miliciens dormaient à l’étage. Tout s’est bien passé. Heureusement il était très tard. Le lendemain le voisin est allé les sortir de l’ornière avec sa paire de boeufs...
 
 
Un autre jour, monsieur SAINT-HILAIRE de Murcens avait rencontré une unité motorisée d’Allemands en bas de Guillot. Il s’est caché et est remonté terrorisé chez lui.
 
Mon père ne nous parlait jamais de la guerre d’Espagne. C’était une période très douloureuse pour lui. Il avait dû quitter son pays, il avait vu sa patrie livrée aux fascistes, c’était insupportable pour les Républicains. 
 
En Espagne il était marié et père de deux enfants. Il a perdu sa première épouse au camp d’Argelès. Elle est morte en couches, sans doute suite aux mauvaises conditions de détention. Il est venu à Cras avec ses enfants. Il a épousé ma mère lotoise. C’était elle qui avait gardé ses enfants. 
 
Il faisait sûrement partie de la Résistance mais il ne disait rien. Je m’en suis aperçu à de nombreux détails. Un jour, après la guerre, nous sommes allés ensemble à Maquefave. Au-dessus du moulin il y a une grotte. 
 
J’ai vu des trous où il y avait de la paille. J’ai demandé à mon père si c’étaient des nids ? Il m’a dit que non, que c’était des endroits où les maquisards cachaient des armes, sur un ton de complicité qui m’a fait comprendre qu’il savait beaucoup de choses. Il courait le canton pour couper du bois pour la compagnie GAZONITE de Cahors. De ce fait il avait une autorisation de circuler, il avait des contacts partout avec les autres Espagnols qui travaillaient dans les bois. C’est là que les maquis recrutaient. Il n’était pas ami par hasard avec Joachim Carbello-Carpi qui était un maquisard notoire à Malaterre”. 
 
Note : De nombreux témoignages confirment ce que dit Bernard.
 
Les Résistants ne parlaient pas de leur appartenance aux maquis, pas même à leurs proches : pour ne pas mettre leur famille en danger, pour éviter que les enfants parlent entre eux pour éviter enfin d’être dénoncés lors d’interrogatoires. 
 
Compte-tenu de son passé au pays basque, de son engagement dans la Guerre d’Espagne, de son passage au camp de Gurs (Pyrénées) où étaient internés les Espagnols jugés dangereux, il est plus que probable que Fidel GUTIERREZ était Résistant. 
 
 

 

 
à suivre... épisode  3 - Lauzès
"Le 11 mai la “Das Reich” investit Lauzès.